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Accueil du site > Grand Voyage > Turquie et Grèce > Escales exotiques Le bouzouki fait danser.

Rubrique : Turquie et Grèce

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Escales exotiques Le bouzouki fait danser.Version imprimable de cet article Version imprimable

Publié Mars 2016, (màj Mars 2016) par : Collectif Salacia   

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Mots-clés secondaires: navigation_divers , Traditions_cultures

NDLR merci à “Kerdubon” capitaine, marin et explorateur de Grèce et de Turquie, d’il y a 50 ans

Escales exotiques. « Le bouzouki fait danser. »

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Angélique Ianatos, la belle Sapho et Mytilène
En Grèce Îlienne, je ne suis jamais allé plus nord que l’île de Lesbos avec mon voilier. Je vais donc vous entraîner sur un air de sirtaki ou de rébétiko dans la parie nord-est au-dessous de… Mytilène… puisque le nom de Lesbos est disparu avec la « pure Sapho aux tresses de violettes, au sourire de miel… » comme dit Alcée.

Les poèmes de la poétesse ont été mis en musique par “Angélique Ianatos”. C’est suprême… mais il faut se lever de bonne heure pour les entendre ! L’exote que j’étais aurait bien aimé entendre chanter et voir danser la grande dame aux mœurs assez libres dit-on… mais j’ai du me contenter, avec un certain bonheur malgré tout, du bouzouki endiablé, qui a remplacé les flûtes de Pan et d’Apollon. J’ai donc vu ces îliens dans ces années 70 début 80 entraînés dans la danse par les bouzoukis….

  • De nos jours il paraîtrait d’après les mauvaises langues que ce serait la musique… disco qui remplace tout… en tous cas je certifie qu’en Crète en 2014 et à Corfou en 2015… je n’ai entendu aucun air de Théodorakis, de Vangelis, de Maria Farandouri ni même d’Irène Papas ou de Karis Maris qui nous enchantèrent dans les années succédant à la dictature des colonels, lesquels avaient interdit tout sirtaki ou rébétiko !… Il y avait toute fois des shows payants qui offraient la danse crée par les bouzoukias, ces joueurs fous du bouzouki électrique à quatre cordes doubles…, qui leur permet d’exercer leur grande virtuosité !
  • L’exote jamais satisfait doit se contenter de ce que lui offrent les autres… si différents de propre personnalité, parfois si riches de cœur, afin de devenir pendant des instants plus ou moins longs… leur frère.

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Andros
Le meltemi soufflé par Borée secouait et glaçait toute la mer Egée, de la Thrace et la Thessalie à la Crète, avec en prime un petit rafraîchissement pour l’Egypte et ses lotophages.

  • Sur notre voilier, madame Kerdubon et moi, avions tiré pas mal de bords de Kea à Andros, îles bénies des Cyclades, pour disposer notre mouillage en patte d’oie avec deux ancres et pas loin de cent mètres de chaîne, dans le port de Gavrion, au Nord de l’île. Il n’était pas question d’aller tosser contre le quai du port. Nos passagers, deux nièces et un neveu ayant fini de rendre à Neptune tripes et boyaux, nous commencions à être peinards. Cela pouvait souffler, nous ne risquions plus rien de désagréable Andros nous offrait sa paix relative !
  • Les cirés remisés, le soleil se fit sentir, le vent glacial était en partie coupé par les collines bordant le port et la ville. On ne peut pas dire que cela tabassait dans le port, mais un clapot désagréable empêchait d’aller à la « taberna » (restaurant) sans se faire rincer encore une fois… Alors, nous avons préparé la messe du soir à bord… “ Au pays des dieux il faut de la religion ! ”.
    • Le rituel et ses accessoires étaient simples… une ou deux micro boukalia de retzina bien fraîche, quelques zakouskis, de la joie et de la bonne humeur autour. Nos hôtes avaient retrouvé leurs couleurs et leur chanson « Hugues… et Raoul »… fut remplacée par les cantiques de musique Grecque. Le son des bouzoukis était apporté du village, en même temps que quelques rumeurs d’activité. La vie était belle et nous ne serions plus jamais aussi jeunes, nous allions célébrer une grand messe… en musique !
    • Donc bien installés autour de la table dans le vaste cockpit, nous rendions hommage aux quatre cardinaux dans un grand signe de croix devant notre nez, à l’horizontale, en ne secouant pas trop nos verres et passions à l’attaque proprement dite des mézés. Mes « maldemerdeux » n’étaient pas les derniers à se saisir des éliès (olives) et du tiri, en l’occurrence de la feta… apo varelli…. c’est à dire extraite d’un tonneau de bois grec et non d’une touque métallique danoise. Le vent dévalant des collines, nous apportait des odeurs de thym et autres herbes aromatiques pour parfumer le tout.
    • C’est alors qu’un gros goéland inattendu vint se poser sur le roof. Il sauta sur le pont, et s’approcha doucement en clopinant comme un canard boiteux, un regard à droite, un autre à gauche… mine de rien. Il claudiquait en suivant le rythme, sur un air de Théorodakis. On aurait dit que les bouzoukis le faisaient naturellement danser.
      • Madame Kerdubon par politesse, lui jeta un bout de biscuit qu’il avala tout rond. Etais-ce encore la métamorphose d’un antique dieu de l’Olympe venu voir ce que nous bricolions dans ses eaux et goûter à nos douceurs en bouche ?
      • Nous n’étions pas craintifs, mais surpris et demeurions peu agités pour ne pas troubler l’oiseau. Comme il avait apprécié et remercié… par une fiente. Mon épouse lui lança un autre morceau… trempé dans la retzina.
      • Non seulement il apprécia, mais s’approcha pour en réclamer d’autre. Finalement il se serait gavé directement dans la main… ou bien aurait asséché d’un coup le verre de ma femme, si elle n’avait pas craint son bec redoutable.
      • Qu’aimait-il le plus ? Le vin blanc ou le biscuit salé ?... Il arriva un moment où il fut repu. Il n’arrivait plus à avaler et les joues gonflées, il bavait de la rétzina par son bec qu’il ne fermait plus.
    • Après un dernier piaillement de satisfaction, il prit son envol, brassa quelque peu et monta de trois mètres… puis chuta comme une pierre !... Repartant de l’eau, ce fut plus facile, mais arrivé encore à deux ou trois mètres d’altitude… il tomba à nouveau dans une gerbe d’éclaboussures. Il se secoua, reprit son envol et après avoir failli replonger plusieurs fois dans les eaux du port, il disparut vers ses congénères massés sur le quai du village, becs dans le vent, pour ne pas se faire trousser par Eole.
    • Son vol était nettement zigzaguant, la cuite était sérieuse !

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Le vent tomba avec la nuit. Le lendemain matin, il me fallait aller au ravitaillement au village, pour rapporter du pain frais et chaud, ainsi que du lait et autres douceurs. J’embarquai dans le zozo, tandis que la jeunesse dormait encore. Madame Kerdubon restait pour préparer le café.

  • J’ai accosté la paire de boudins à quelques encablures des premières maisons, car devant les tavernes et autres commerces, le quai était encombré par les pêcheurs s’apprêtant à prendre le large, la journée s’annonçant plus calme, il fallait rattraper le temps perdu à attendre.
    • La bande de goélands qui était toujours postée au bord du quai, piaillait et commentait sans doute les nouvelles de la nuit achevée. Les palmipèdes s’envolaient au fur et à mesure de mon approche, pour reconstituer derrière moi l’assemblée bien alignée et ordonnée en apparence.
    • Un des plus gros des goélands ne s’envola pas. Il baissa la tête à ras des dalles du port, et le bec en avant, fonça droit sur moi. Il chercha à me piquer les pieds à plusieurs reprises, jusqu’à ce que je le menace sérieusement d’un coup de savate. J’ai reconnu notre poivrot à une tache particulière dans son plumage du cou…
  • il avait le vin mauvais… et la gueule de bois… c’était évident !

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Psara
Le Meltem avait repris dès la fin de matinée, mollissant considérablement la nuit, ce qui est bien connu. J’ai appareillé à trois heures du matin le jour suivant. Voiles établies, je gardai en route mon Mercedes, pour éviter de perdre du temps en tirant des bords. Vers les 5 ou 6 heures au passage du cap Kabanas, extrémité d’Andros, fidèle dans ses rendez-vous, le vent se leva avec violence, redonnant le mal de mer aux passagers rapidement anéantis. Le voilier filait bon train bâbord amures, tout dessus. J’avais décidé de voir l’île de Psara à une cinquantaine de milles dans l’est du nord ouest de Chio, puisqu’elle ne figurait dans aucun guide sérieux. J’étais certain qu’il n’y aurait aucun touriste, l’île serait à nous et je trouverais bien parmi la centaine d’îliens quelque indigène avec qui sympathiser et satisfaire ma soif d’exotisme, car je voyageais non pas pour accumuler des milles au compteur, je n’étais pas un « mangeur d’écoutes », mais découvrir l’autre… et son environnement.

  • Dès l’arrivée en milieu d’après midi, la jeunesse épuisée, bondit à terre. Un peu de gravier sous les souliers la requinqua immédiatement. Après une visite du village, ce fut la baignade. Madame Kerdubon tirait des brasses vers le grand large, lorsqu’un gamin l’appela.
    • - Ca y est !… me dis-je, je vais avoir ma relation privilégiée avec un véritable autochtone !
    • - Il y a une usine à poisson de l’autre côté de la pointe, il ne faut pas aller par-là madame, c’est rempli de requins !
    • - Tu parles bien Français, c’est à l’école que tu as appris ?
    • - Oui madame !
    • - Cà alors !
    • - Normal… l’école est à Paris, je viens ici passer mes vacances chez mes grands parents !
  • C’était fichu pour ma tentative d’intégration ! Restaient les pêcheurs, mais ils n’étaient guère causants !

Le lendemain, par temps brumeux, chute spectaculaire du baromètre. Du jamais vu ! Dans la nuit, un orage sonna le branle-bas, puis un bon dieu de coup de vent d’Est se leva soudain

  • C’était démentiel ! Ce port bien abrité du meltem et des coups de tabac d’hiver, est ouvert à l’Est. « Il faut bien qu’il soit ouvert d’un côté ! » dirent…comme s’ils s’excusaient… les pêcheurs, qui tous éveillés étaient présents sur le quai avec leurs familles. Des pneus furent apportés et disposés le long du seul voilier présent…le mien. Ces gens avaient des mots sympathiques d’encouragement, même si leurs phrases étaient courtes et non chargées d’inutilités qui entrent par une oreille et sortent par l’autre.
  • La présence en pleine nuit de tous ces gens qui normalement n’ont rien à secouer d’un plaisancier… donnait une idée de la générosité et de la solidarité de ces gens de mer.
  • La mer devenue tout à coup furieuse, embouquait l’entrée située heureusement un peu plus loin vers le Nord et montait vers le village un peu surélevé, tandis que d’autres vagues sautaient carrément par-dessus la digue Sud un peu basse. Tous les navires à quai tabassèrent un peu, mais il n’y eut aucun dégât, même à bord de la grosse vedette de liaison avec Chio l’île voisine et mon voilier n’eut pas une seule petite égratignure.
  • L’après midi, le soleil perça, le vent sauta à l’Ouest…la paix avec les éléments fut rétablie. En compagnie des pêcheurs et de quelques îliens, j’ai ouvert quelques mikro boukalia de retzina. L’un d’eux sortit un bouzouki et tous chantèrent en dansant une sorte de sirtaki, c’était tellement entraînant que mon équipage se joignit à la danse. Le plus enthousiaste était le… gamin de Paris !

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Chio
Longeant la côte nord de Chio, empruntant le détroit entre Chio et Inoussa, après avoir salué les moulins qui montent la garde le long du rivage est, nous avons fait notre entrée dans le port de la capitale. Vent arrière, c’est incroyable comme on a l’impression… que le temps beausit ! Les jeunes reprirent des couleurs et de la hardiesse, la vie redevenait belle.

  • Une foultitude de yachts, caïques, vedettes, « cabins cruisers »… et autres pots de pus à gasoil occupait toute la place sur le plan d’eau. Le long de la grande jetée, pas loin de la capitainerie, j’aurais pu me glisser, mais c’était la place des pêcheurs et ils me firent signe, avec des gestes de menace, de ne pas approcher. Il semblait qu’ici, on était moins sympathique qu’à Psara !
  • Finalement dans le fin fond du port, sur une couche de plusieurs centimètres d’huile et de mazout, en poussant à droite et à gauche, j’ai pu mouiller mon ancre et culer, m’arrêtant à plusieurs mètres du quai, car la profondeur y était réduite à cinquante centimètres d’eau à ras de terre.
  • Kodaks sur l’estomac… il n’y avait pas encore d’appareils numériques… la foule des touristes aoûtiens admirait ma manœuvre en commentant les cris et râlements de mes voisins gentle-yacthmen qui craignaient pour leur peinture. Les ballons de défense jouèrent leur rôle, mon équipage redevenu vaillant se montra à la hauteur.
  • Après la cérémonie apéritive fleurant bon l’ouzo en dépit des relents mazouteux des eaux portuaires, j’ai affalé le zodiac pour que nous puissions aller au restaurant. Quelques coups d’avirons nous amenèrent à un escalier. Le boudin bien assuré sur un anneau du quai, nous sommes partis vers la bombance grecque.
    • L’ambiance était chaude dans la capitale de l’île, en raison de l’afflux de vacanciers grecs, ainsi que celui de touristes étrangers. La musique typique des rébétikas et autres sirtakis dégoulinait à plein tube des hauts parleurs des boutiques remplies de curieux, parfois acheteurs de souvenirs, mais en apparence indifférents à la virtuosité des bouzoukias invitant à la danse
    • Evidemment les tabernas étaient pleins dès le soir venu. Si les touristes dînaient à l’heure du berger, c’est à dire qu’ils mettaient les pieds sous la table dès sept heures du soir, les Grecs arrivés après leur départ, mangeaient vers vingt deux heures, occupant les terrasses jusqu’au petit jour. C’était également notre rythme… depuis le temps que nous passions pratiquement quatre à six mois en Grèce chaque année.
    • Inutile de dire que les prix des mets à dix neuf heures n’étaient pas ceux pratiqués à vingt deux heures !… Après notre grand tour en curieux, nous avons pris place dans une taverne déjà bien occupée. Je parlais grec, mais le garçon eut tôt fait de nous repérer. Il nous considéra comme des imposteurs essayant de se faire passer pour ses compatriotes… cela allait nous coûter cher au moment de régler logariasmo… l’addition si vous préférez et non pas l’orgasmo, comme disait madame Kerdubon pour dégeler et dérider les garçons débordés et épuisés en fin de journée.
    • Nous ne nous sommes privés de rien, tout en mangeant ce que les autochtones des tables voisines choisissaient, laissant moussakas… garnies de frites froides… aux touristes du… premier service… du lendemain. Petits barbounis (rougets) grillés… côtelettes de broutard également grillées, retzina et kokkino (vin rosé)… firent notre bonheur. Pour les desserts, tout le monde savait qu’à l’époque, c’étaient les cure-dents amenés avec l’ardoise !
    • Le ventre plein, madame Kerdubon tenant les cordons de notre bourse, fit sa demande habituelle qui n’amusa pas le serveur ! Son air renfrogné semblait dire : « rira bien qui rira le dernier » ! Heureusement, c’est un maître d’hôtel supervisant le personnel, qui apporta l’ardoise. L’ayant consultée, mon épouse dit :
      • Appareillez en vitesse, je vais régler à la caisse en partant !
      • Nous nous sommes fondus dans la foule qui continuait à déambuler et la question fut posée :
      • Pourquoi cette précipitation ?
      • Elle me tendit la note qu’elle avait payée… c’était celle, tout à fait normale, d’une table voisine occupée… seulement par deux Grecs de petit appétit !
    • Le zodiac nous attendait paisiblement, légèrement agité par les risées du meltem qui avait molli avec le soir. L’air était doux, mais les senteurs qui commençaient à s’exhaler des lauriers roses ou blancs n’arrivaient pas à dominer celle du fuel.
      • Merdum…nom d’un petitbonum !… On nous a piqué les avirons !… Tu savais pourtant bien qu’on paye toute malhonnêteté immédiatement… comme qui dirait cash… dame !
      • Tu crois que le loufiat de la taverne nous aurait donné une ardoise bien honnête ?
      • Nous avons été malhonnêtes… c’est notre punition !… Les dieux d’ici font payer comptant !… Qui vole un œuf volera un bœuf !… Celui qui a volé nos avirons se fera dérober… son canotte par un autre voleur … et celui qui piquera la barcasse du rameur indélicat se fera faucher… peut-être la vie ?
    • D’une boite de nuit qui avait ses portes ouvertes pour amener un peu de fraîcheur aux clients enfumés, un air joué sur un bouzouki dément nous entraîna dans un pas de danse vers le zodiac, nous allions devoir ramer avec les mains… c’était moins réjouissant.
    • Après quelques mouillages dans les baies de Chio et un autre clandestin… c’est à dire sans transit log turc… permis de navigation dans les eaux de la sublime porte, dans une baie déserte pour baignades, j’ai rallié Samos et mes passagers ont pris un ferry pour Athènes, leurs vacances étaient terminées. Avaient-ils bien enregistré le son des bouzoukis ?

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Pythagorion en Samos
Pratiquement chaque année, je passais une ou deux fois par Samos, l’ancienne Tigani. Je vous ai déjà conté comment et pourquoi je trouvais cette île enchanteresse. Cette année-là, j’étais arrivé à Pythagorion dans le sud de l’île.

  • A mon grand étonnement, l’officier de port très pur et dur, service service, examinant mon transit log grec, m’avisa que je devais quitter la Grèce avant la fin de la semaine, date de son expiration, en raison des nouveaux décrets gouvernementaux. Il n’était plus valable une année entière, mais seulement six mois !
  • C’était tout bête, mais le gouvernement devenu socialiste avait en effet décidé de taxer lourdement les plaisanciers appartenant sans doute à de riches capitalistes, s’ils dépassaient six mois dans les eaux grecques…. alors que les armateurs et le clergé orthodoxe ne payaient pas d’impôts ! Les marinas se vidèrent de leurs hivernants habituels qui partirent en Turquie. Le manque à gagner dura quelques années avant que le gouvernement ne batte en arrière toute… juste au moment où les Turcs firent la même stupidité et ne vident leurs eaux de leurs bébés !
    • Si vous ne partez pas, je vais vous taxer très fort !...L’abruti ne voyait que le pactole représenté par la taxe… Il était prêt à sacrifier la poule aux œufs d’or... Aucune discussion n’étant possible avec ce con !
    • Sur les quais, j’ai retrouvé mes copains, les trois frères pêcheurs, qui désarmaient leur caïque… le « tria aderfos » (Les 3 frères), pour l’aménager avec des bancs, des hauts parleurs et une sono, afin de promener les touristes. J’ai du prendre… trois coups de samos en leur compagnie pour me remettre. Je comptais passer un certain temps dans l’île… c’était cuit.
    • Néanmoins, un matin je suis allé jusqu’au château franc à l’ouest de Pythagorion, histoire de me dégourdir les guibolles, de jeter un œil sur la bâtisse imposante bien conservée et admirer le paysage magnifique qu’offre l’Egée bleue en dessous, avec en mauve dans le lointain les montagnes de Turquie.
    • Pour revenir vers mon voilier, j’avais pris un raccourci en escaladant le mur du cimetière qui jouxte l’église sous le château. Une femme en noir était en prière, peut-être une veuve devant la tombe de son défunt mari. Entendant mon pas crisser sur les graviers, elle se releva et vint vers moi. Comment lui expliquer ma présence en ces lieux ? Sans doute se demandait-elle d’où je sortais… puisque de son endroit où elle priait, elle contrôlait le portillon et la grande porte du cimetière. Etais-je une création spontanée ? Une apparition diabolique avec ma barbe et mes cheveux longs, faisant comme des cornes sur le devant ?... n’étais-je pas en train de dissimuler d’une façon un peu gauche, ma queue fourchue derrière mon dos ?
    • Je parlais à peu près le Grec. Devançant ses questions, je ne sais pourquoi, je lui dis que j’étais un pope !... un pope venu de France, ce qu’elle comprit très bien. Elle se transfigura d’un sourire ravi et béat. Elle mit un genou à terre, saisit ma main, prit du sable terreux qu’elle versa dans ma paume et baisa le revers de ma main qui se vidait du sable. Sans mollir, je l’ai bénie d’un grand signe de croix en murmurant les paroles sacrées que nous connaissons… « Au nord… au sud… à l’est et à l’ouest ! » Toujours béate, comme si je lui avais donné le Saint-Sacrement, elle me dit être l’épouse du pope. Elle saisit ma main et m’entraîna au presbytère.
    • En quelques mots, elle expliqua ma situation au pope, un vieillard vénérable qui avait une barbe entière bien plus fournie que la mienne. Il me donna sa bénédiction par un signe de croix de gauche à droite selon le rite orthodoxe, je lui rendis la monnaie de sa pièce en le bénissant de droite à gauche selon le rite catholique romain. Après un bref sermon où je compris que tous les popes du monde étaient frères en Dieu et devaient s’unir pour lutter contre le mal, il fit un geste en direction de son épouse qui avait compris et nous apporta chacun un…verre, ainsi qu’une bouteille de délicieux Samos… « Ya sou » ! (A la tienne) dit-il en riant malicieusement.
  • C’est alors que se leva un vent très violent précédant quelques jours de meltem à venir, la mer au-delà des jetées était en furie.
    • L’Officier de port en jubilant avait déjà préparé les papiers et calculé la taxe lorsqu’il se présenta dès 8 heures le jour fatidique. Tout le monde de la pêche était sur le pied de guerre pour doubler ses amarres au quai. A bord, j’avais arisé la grand voile et endraillé le foc N°2 à la place du génois.
      • Gast j’ai jusqu’à ce soir pour appareiller !
      • Impossible, en raison de la tempête le port est consigné jusqu’à demain, il faut donc payer maintenant !
      • Chacun son poste, démarrez la bourrique, larguez tout !... hurlais-je… et Madame kerdubon détacha la dernière amarre tandis que le guindeau virait la chaîne. J’étais aussi déchaîné que les éléments, le combat allait avoir lieu !
    • Les voiles furent hissées, vent dans le cul, mon voilier appareilla et la jetée fut franchie avant que le pauvre Officier de port n’ait repris ses esprits !
    • Sous l’île, il n’y avait pas de grosse mer, par contre, gîté au maximum, le voilier vent de travers volait sur les courtes vagues crêtées de moutons blancs. Des nuages blancs semblaient ruisseler du sommet des montagnes de Samos, il n’y avait pas eu besoin de bouzouki pour nous faire danser sur la mer jolie !
    • Sortant de l’abri de la côte serrée de près, la mer était grosse, mais le voilier continua à tailler sa route. La force du vent diminuant vers l’heure de la méridienne, le ris fut ôté et la grand voile rétablie.
  • En arrivant, à dix milles de Küsadasi, juste en face Samos en Turquie, le vent tomba d’un coup, comme tombe le mistral au large du viaduc d’Anthéor… la traversée s’acheva au moteur.

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Kusadasi, puis Vathy en Samos
J’ai laissé ma bête à voiles pour un hivernage chez le « Grand Turc » dans la marina de Küsadasi qui se remplissait de clients… venus de Grèce. Mon épouse et moi-même, nous nous trouvions donc comme des touristes ordinaires devant regagner la Grèce.

  • Une grosse vedette à passagers qui exerçait un service régulier nous amena un beau matin sur le quai de Port Vathy au nord de Samos. Un ferry nous porterait ensuite au Pirée. Les Grecs quelque soit leur gouvernement détestaient toujours les Turcs. Venant de Turquie, les touristes étaient donc mal accueillis Dès l’accostage de la vedette, une grappe de douaniers se précipita pour fouiller tout le monde Depuis Midnight express, il devait être évident comme deux et deux font cinq, que tous ceux qui allaient en Turquie, y achetaient du haschich, probablement par kilos !
    • Les gabelous furent déçus de n’en point trouver un seul petit gramme. Ils s’acharnèrent alors sur les quelques passagers grecs, ces traîtres qui allaient frayer chez l’ennemi héréditaire. Pour les autres, il y eut des palabres au sujet de « souvenirs », mais pas d’amende.
    • Nos sacs archi bourrés furent carrément vidés en vrac sur la grande table dans le poste de douane. Madame Kerdubon qui avait mis tant de temps à tout ranger pour que tout puisse y rentrer, pestait et grommelait avec des yeux assassins. Lorsque mon sac fut entièrement vidé et qu’il passa de main en main pour être examiné sous toutes les coutures par les fouilles merde…j’explosai, et dans un Grec presque parfait j’ai demandé :
      • Mais bon dieu !... Que cherchez-vous ?... Je pourrais peut-être vous aider et vous éviter de foutre un tel bordel dans mes affaires strictement personnelles !
      • Carpettes monsieur ! Nous cherchons les carpettes !... répondit l’Officier qui voulait montrer qu’il savait quelques mots de Français
      • Vous voulez dire des tapis ?... Mais nom d’une pipe… comment pourrais-je rentrer un seul bout de tapis avec tout ce que j’ai déjà comme bazar !... Il n’y a pas de doublure… pas de double fond…vous avez bien tous regardé les coutures ?
      • On en a vu d’autres !... Affirma le chef d’un air entendu en… branlant du… chef… Vous êtes libres ! Circulez !
    • Levant les yeux au ciel, en regardant par la porte grande ouverte, je me suis écrié en pointant le doigt vers un cumulus humilis :
      • Là !... Là… passe un tapis volant !… Sans rire, le chef m’a dit :
      • Je vais le signaler, on le coincera à l’aéroport d’Athènes !
    • Le ferry pour Athènes n’appareillerait que le lendemain matin. Il fallait donc trouver une chambre à coucher en dehors des classiques et miteux hôtels pour touristes de passage, dont la crasse et bruit en sortaient… jusque sur le pavé du trottoir. Le bed and breakfast ainsi que la chambre d’hôte, ne se pratiquaient pas encore à Samos. Nous sommes allés faire un tour sur les hauts du village et avons trouvé ce que nous cherchions.
    • Nous y sommes revenus la nuit tombée. Certes, ce n’était pas le Ritz, mais nous n’étions plus des gamins, nous étions habitués à crapahuter sac au dos mon épouse et moi-même. Notre hôtel était le presbytère d’une église non fréquentée, mais avec vue magnifique sur la baie de Port Vathy ! Sautant par-dessus le petit muret de clôture pour ne pas utiliser la grille close, nous sommes allés au centre du grand jardin obscurci par ses arbres fruitiers et des eucalyptus élevés. Il y avait là, une immense fontaine circulaire sans eau, remplie d’herbe assez tendre. Depuis des années, la statue perchée sur son piédestal au centre, n’avait pas craché son eau par le débordement de la jarre prévue à cet effet. On s’allongea dans la bonne odeur de foin, la tête calée sur notre sac, puis on s’endormit en contemplant la voûte étoilée. Les grillons et cigales avaient cessé leur potin avec le coucher du soleil. L’air était doux, ce fut le calme et le repos, loin des musiques grecques sirtakyseuses des bars et tavernes du long du quai de la ville basse où les bouzoukis faisaient danser dans les tavernes.
    • Au petit matin, un couinement de porte nous éveilla. J’allais demander qui se permettait de pénétrer dans ma chambre, lorsqu’une fois bien éveillé, j’ai réalisé la situation. Madame avait déjà les yeux à la hauteur de la margelle de la fontaine. Je la rejoignis et vis un vieux pope qui prenait l’air sur le pas de la porte du presbytère. Il fit quelques pas dans son jardin, regarda quelques fleurs, décrocha une serviette de toilette qui était épinglée sur un fil et referma sur lui la porte qui grinçait, comme un rire… diabolique.
      • Nous autres ferons notre toilette à bord du ferry ! Prenons nos cliques et nos claques, et allons à la recherche d’un grand café bien noir !
      • Tu rêves, tu sais bien que le ‘’café grec’’ est petit, serré, et qu’il y a autant à boire qu’à manger dans la micro tasse !
      • On demandera des tartines de beurre de brebis, avec du miel à mettre dessus !… Et nous sommes descendus dans le village à la recherche d’une taverne non fréquentée par les toutous qui attendaient déjà le ferry, piétinant sur un quai devenant surchauffé par le soleil pourtant printanier.
    • A bord du ferry, il y avait, comme pour détendre l’ambiance, la musique courante partout en Grèce, celle des bouzoukis jouant des sirtakis et plus particulièrement « Les enfants du Pirée », remède souverain contre le mal de mer éventuels, les pas de danse arrêtant les nausées… comme tout le monde sait !

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  • Si l’exote doit chercher à connaître l’autre, notamment à travers sa musique et les instruments employés tel que le bouzouki qui fait danser, foi de Kerdubon, il n’oublie pas la bombarde et le biniou qui lui ont fait danser la gavotte les jours, ou plutôt le nuits de fez-nos… dans sa jeunesse !

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Kerdubon

UP


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2 Messages de forum

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  • Mr Kerdubon, merci...
    Peu connaissent Angelina Ionatos, la plus part ignorent la grandeur de Sapho, et pratiquement personne ne sait l’origine de bouzouki... Le nom vient du turc « bozuk », signifiant cassé/mauvais. C’était la musique des paumés dans l’ancienne Smyrne au XIXè siècle. Musique de taulards, d’alcolos et de drogués, des largués dirait on aujourd’hui. et leur style c’était le Rebetico, l’équivalent du fado, de la milonga ou du blues.
    Les grecs feignent de l’ignorer, les turcs s’en tapent, restent dieux merci, quelques bretons cultivés et curieux... Des exotes... en quelque sorte
    Michel

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