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Accueil du site > Littérature maritime > Les Beligoudins - aventures du capitaine Kerdubon > En famille - chap 8

Rubrique : Les Beligoudins - aventures du capitaine Kerdubon

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En famille - chap 8Version imprimable de cet article Version imprimable

Publié Juin 2019, (màj Juin 2019) par : Collectif Salacia   

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NDLR : merci à “Kerdubon” capitaine, marin, conteur et explorateur...

Vers la table des chapitres

8 - En famille 1983


Tout le monde installé, après une bonne nuit, bâbord amures, on fila jusqu’en baie Saint-Nicolas à Kéa. Le dangereux goulet d’entrée sans balisage, enfilé de nuit ne posa pas de problème.

Kea

Les jeunes avaient bien résisté, même s’ils avaient eu peu d’appétit le midi. Ils enregistrèrent très vite les couplets du cantique des cantiques permettant de célébrer la messe ouzoteuse précédant les expéditions nocturnes dans les tavernes, les restaurants populaires.

Andros
De Kéa à Andros, ce ne fut pas la même musique que celle de la traversée précédente. Le meltemi soufflé par Borée secouait et glaçait toute la mer Egée, de la Thrace et la Thessalie à la Crète, avec en prime un petit rafraîchissement pour l’Egypte et ses lotophages.
J’étais cependant parti dès l’aube lorsque le vent n’est pas encore tout à fait levé, mais dès l’île débordée, tirer des bords contre le vent envoya la joyeuse bordée au poste d’abandon… sous le vent. Ils payèrent leur tribut à Poséidon qui satisfait alla jusqu’à guérir la tourista qu’ils avaient chopée lors de leur passage à Athènes en se gavant de glaces pourries.
Au quai du port de Gavrion dans le Nord de l’île, les pêcheurs vinrent nous avertir qu’un coup de tabac débuterait à l’aube. J’ai donc procédé à un solide mouillage avec les deux ancres en patte d’oie. Il n’était pas question d’aller tosser contre le quai du port.
Nos passagers, ayant fini de rendre tripes et boyaux, nous commencions à être peinards. Cela pouvait souffler, nous ne risquions plus rien de désagréable Andros nous offrait sa paix relative. Les cirés remisés, le soleil se fit sentir, le vent glacial était en partie coupé par les collines bordant le port et la ville.
Effectivement, un maudit meltem secoua d’un méchant clapot le plan d’eau pendant deux jours. On resta bien tranquilles en attendant que sa rage s’apaise. On ne peut pas dire que cela tabassait dans le port, mais ce clapot désagréable empêchait d’aller à la taberna en zozo, sans se faire rincer encore une fois…
Alors, nous avons préparé la messe du soir à bord… Au pays des dieux il faut de la religion ! Le rituel et ses accessoires étaient simples… une ou deux micro boukalia de retzina bien fraîche, quelques zakouskis, de la joie et de la bonne humeur autour. Nos hôtes avaient retrouvé leurs couleurs et leur chanson « Hugues… et Raoul »… fut remplacée par les cantiques de musique Grecque. Le son des bouzoukis était apporté du village, en même temps que quelques rumeurs d’activité. La vie était belle et nous ne serions plus jamais aussi jeunes, nous allions célébrer une grand messe… en musique !

C’est alors qu’un goéland inattendu vint se poser sur le roof. Il sauta sur le pont, et s’approcha doucement en clopinant comme un canard boiteux, un regard à droite, un autre à gauche… mine de rien. Il claudiquait en suivant le rythme, sur un air de Théorodakis. On aurait dit que les bouzoukis le faisaient naturellement danser.
Madame par politesse, lui jeta un bout de biscuit qu’il avala tout rond. Étais-ce encore la métamorphose d’un antique dieu de l’Olympe venu voir ce que nous bricolions dans ses eaux et goûter à nos douceurs en bouche ?

Nous n’étions pas craintifs, mais surpris et demeurions peu agités pour ne pas troubler l’oiseau.

Comme il avait apprécié et remercié… par une fiente. Mon épouse lui lança un autre morceau… trempé dans la retzina. Non seulement il apprécia, mais s’approcha pour en réclamer d’autre. Finalement il se serait gavé directement dans la main… ou bien aurait asséché d’un coup le verre tendu par ma femme, si elle n’avait pas craint son bec redoutable. Qu’aimait-il le plus ? Le vin blanc ou le biscuit salé ?...

Il arriva un moment où il fut repu. Il n’arrivait plus à avaler et les joues gonflées, il bavait de la rétzina par son bec qu’il ne fermait plus. Après un dernier piaillement de satisfaction, il prit son envol, brassa quelque peu et monta de trois mètres… puis chuta comme une pierre !... Repartant de l’eau, ce fut plus facile, mais arrivé encore à deux ou trois mètres d’altitude… il tomba à nouveau dans une gerbe d’éclaboussures. Il se secoua, reprit son envol et après avoir failli replonger plusieurs fois dans les eaux du port, il disparut vers ses congénères massés sur le quai du village, becs dans le vent, pour ne pas se faire trousser par Eole. Son vol était nettement zigzaguant, la cuite était sérieuse !

L’assistance était écroulée de rires

Le vent tomba sérieusement avec la nuit. Le lendemain matin, il me fallait aller au ravitaillement au village, pour rapporter du pain frais et chaud, ainsi que du lait et autres douceurs. J’embarquai dans le zozo, tandis que la jeunesse dormait encore. Madame restait pour préparer le café. J’ai accosté la paire de boudins à quelques encablures des premières maisons, car devant les tavernes et autres commerces, le quai était encombré par les pêcheurs s’apprêtant à prendre le large, la journée s’annonçant plus calme, il fallait rattraper le temps perdu à attendre l’embellie.
La troupe de goélands et mouettes qui était toujours postée au bord du quai, piaillait et commentait sans doute les nouvelles de la nuit achevée. Elle s’envolait au fur et à mesure de mon approche, pour reconstituer derrière moi l’assemblée bien alignée et ordonnée en apparence
Un des plus gros des goélands ne s’envola pas. Il baissa la tête à ras des dalles du port et le bec clos en avant, alors que ses collègues dérangés gueulaient le bec grand ouvert. Il fonça droit sur moi et chercha à piquer mes pieds nus à plusieurs reprises, jusqu’à ce que je le menace sérieusement d’un coup de savate. Il recula d’un bond et ouvrit enfin le bec pour m’envoyer des injures incompréhensibles, mais bien senties. J’ai reconnu notre poivrot à une tache particulière dans son plumage du cou… Il avait le vin mauvais… et la gueule de bois… c’était évident !

Psara
Le Meltem mollissant considérablement la nuit, ce qui est bien connu, nous avons appareillé à trois heures du matin, appuyés par Mercedes, pour éviter de perdre du temps en tirant des bords. On doubla sans problème la pointe nord-ouest d’Andros, avant de faire route sur l’île de Psara. Vers les 5 ou 6 heures au passage du cap Kabanas, fidèle dans ses rendez-vous, le vent se leva avec violence, redonnant le mal de mer aux passagers rapidement anéantis. On filait bon train bâbord amures.
Dès l’arrivée en milieu d’après midi au quai de Psara, la jeunesse épuisée, bondit à terre. Un peu de gravier sous les souliers la requinqua immédiatement. Visite du village et baignade. Madame tirait des brasses vers le grand large, lorsqu’un gamin l’appela.

  • Il y a une usine à poisson de l’autre côté de la pointe, il ne faut pas aller par-là, c’est rempli de requins !
    • Tu parles bien Français, c’est à l’école que tu as appris ?
  • Oui madame !
    • Cà alors !
  • Normal… l’école est juste à côté de Paris, je viens ici passer mes vacances chez mes grands parents !

Le méchant vent étésien tomba avec la nuit qui fut calme. Le lendemain, par temps brumeux, il y eut une chute spectaculaire du baromètre... Du jamais vu dirent les pêcheurs ! Dans la nuit un orage sonna le branle-bas, puis un bon dieu de coup de vent d’Est se leva soudain.
C’était démentiel ! Ce port bien abrité du meltem et des coups de tabac d’hiver, est ouvert à l’Est. « Il faut bien qu’il soit ouvert d’un côté ! » dirent les pêcheurs… comme s’ils s’excusaient… lesquels tous éveillés étaient présents sur le quai avec leurs familles. Des pneus furent apportés et disposés le long du seul voilier présent… le « Béligou ». La présence en pleine nuit de tous ces gens qui normalement n’ont rien à secouer d’un plaisancier… donnait une idée de la générosité et de la solidarité de ces gens de mer.
La mer Egée devenue tout à coup furieuse, embouquait l’entrée située heureusement un peu plus loin vers le Nord et montait vers le village un peu surélevé, tandis que les vagues sautaient carrément par-dessus la digue sud un peu basse. Toutes les embarcations tabassèrent un peu, mais il n’y eut aucun dégât, même à bord de la grosse vedette de liaison avec Chio l’île voisine. Note [1]

L’après midi, le soleil perça, le vent sauta à l’ouest… la paix avec les éléments fut rétablie. En compagnie des pêcheurs, on ouvrit quelques bouteilles de retzina l’ambiance détendue fut des plus joyeuses.

Oinoussa

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Il y eut peu de vent pour la traversée suivante, l’équipage fut soulagé. D’ailleurs, vent arrière, c’est incroyable comme on a l’impression… que le temps beausit ! Longeant les côtes élevées du nord de Chio, on s’engouffra dans détroit séparant cette île de Inoussa (ou Oinoussa) sa voisine, notre destination. Ayant mouillé dans la calanque la plus déserte au sud-est, un énorme pélican qui patrouillait, vint voir de près l’étrange... oiseau Béligou. Il n’y eut pas de coup de foudre entre les volatiles… Encore une belle histoire d’amour avortée, ou plutôt… tuée dans l’œuf

Chio
Une très courte traversée cap à l’ouest nous amena dans le port de Chio. Le mois d’Août était bien débuté. En conséquence, l’ambiance était chaude dans la capitale de l’île, en raison de l’afflux de vacanciers Grecs, ainsi que celui de touristes étrangers. Une foultitude de yachts, caïques, vedettes, « cabains cruisers »… et autres « pots de pus à gas-oil » occupait toute la place sur le plan d’eau.
Le long de la grande jetée, pas loin de la capitainerie, j’aurais pu me glisser, mais c’était la place des pêcheurs et ils me firent signe, avec des gestes de menace, de ne pas approcher. Il semblait qu’ici, on était moins sympathique qu’à Psara ! Finalement dans le fin fond du port, sur une couche de plusieurs centimètres d’huile et de mazout, en poussant à droite et à gauche, j’ai pu mouiller mon ancre et culer, m’arrêtant à plusieurs mètres du quai, car la profondeur y était réduite à cinquante centimètres d’eau à ras de terre.

Kodaks sur l’estomac… il n’y avait pas encore d’appareils numériques… la foule des touristes aoûtiens admirait ma manœuvre en commentant les cris et râlements de mes voisins gentle-yacthmen qui craignaient pour leur peinture. Les ballons de défense jouèrent leur rôle, mon équipage redevenu vaillant se montra à la hauteur. Par contre il était évident que nul ne craignait une invasion turque venue de Cesme à quelques encablures en face, même si ses militaires s’étaient emparés de la moitié de Chypre l’année précédente, apparemment dans l’indifférence européenne et mondiale... les enfants avaient peut-être des fusils et des balles comme l’avait souhaité notre Totor national !

Les moulins vus du Nord du port Le quai nord vu du bassin

Après la cérémonie apéritive fleurant bon l’ouzo en dépit des relents mazouteux des eaux portuaires, j’ai affalé le zodiac pour que nous puissions aller au restaurant. Quelques coups d’avirons nous amenèrent à un escalier. Le boudin bien assuré sur un anneau du quai, nous sommes partis vers la bombance grecque.
La musique typique des rébétikas et autres sirtakis dégoulinait à plein tube des hauts parleurs des boutiques remplies de curieux, parfois acheteurs de souvenirs, mais en apparence indifférents à la virtuosité des bouzoukias invitant à la danse. Nous n’avons pas cherché les traces de Jacques Cœur soi-disant mort dans l’île, d’autant plus que l’église des cordeliers où il aurait reposé, fut ruinée par les Turcs et un tremblement de terre, ce qui fit qu’à son emplacement, il y a un square public. Nous avons également échappé à la recherche du berceau d’Homère ! Les belles bâtisses étaient rares, même si quelques armateurs connus dont le bon monsieur Crapoulos qui... oublie de payer ses équipages... y avaient demeure depuis des générations.

Evidemment les tavernes étaient pleines dès le soir venu. Si les touristes dînaient à l’heure du berger, les Grecs arrivés après leur départ, mangeaient et occupaient les terrasses jusqu’au petit jour. C’était également notre rythme. Inutile de dire que les prix des mets à dix neuf heures n’étaient pas ceux pratiqués à vingt deux heures !…
Après notre grand tour en curieux, nous avons pris place dans une taverne déjà bien occupée. Je parlais grec, mais le garçon eut tôt fait de nous repérer. Il nous considéra comme des imposteurs essayant de se faire passer pour ses compatriotes… cela allait nous coûter cher au moment de régler logariasmo… l’addition si vous préférez et non pas l’orgasmo, comme disait madame Kerdubon pour dégeler et dérider les garçons débordés et épuisés en fin de journée.
Nous ne nous sommes privés de rien, tout en mangeant ce que les autochtones des tables voisines choisissaient, laissant moussakas… garnies de frites froides… aux touristes du… premier service… du lendemain. Petits barbounis (rougets) grillés, côtelettes de broutard également grillées, retzina et kokkino (vin rosé)… firent notre bonheur. Pour les desserts, tout le monde savait qu’à l’époque, c’étaient les cure-dents amenés avec l’ardoise !
Le ventre plein, madame Kerdubon tenant les cordons de notre bourse, fit sa demande habituelle... ce qui n’amusa pas le serveur ! Son air renfrogné semblait dire : «  rira bien qui rira le dernier » ! Heureusement, c’est un maître d’hôtel supervisant le personnel, qui apporta l’ardoise. L’ayant consultée, mon épouse dit :

  • Appareillez en vitesse, je vais régler à la caisse en partant ! Nous nous sommes fondus dans la foule qui continuait à déambuler et la question fut posée :
    • Pourquoi cette précipitation ? Elle me tendit la note qu’elle avait payée… c’était celle, tout à fait normale, d’une table voisine occupée… seulement par deux Grecs de petit appétit !

Le zodiac nous attendait paisiblement, légèrement agité par les risées du meltem qui avait molli avec le soir. L’air était doux, mais les senteurs qui commençaient à s’exhaler des lauriers roses ou blancs n’arrivaient pas à dominer celle du fuel.

  • Merdum…nom d’un petit bonum !… On nous a piqué les avirons !… Tu savais pourtant bien qu’on paye toute malhonnêteté immédiatement… comme qui dirait cash !
    • Tu crois que le loufiat de la taverne nous aurait donné une ardoise bien honnête ?
  • Nous avons été malhonnêtes… c’est notre punition !… Les dieux d’ici font payer comptant !… Qui vole un œuf volera un bœuf !… Celui qui a volé nos avirons se fera dérober… son canotte par un autre voleur… et celui qui piquera la barcasse du rameur indélicat se fera faucher… peut-être la vie ?
    D’une boite de nuit qui avait ses portes ouvertes pour amener un peu de fraîcheur aux clients enfumés, un air joué sur un bouzouki dément nous entraîna dans un pas de danse vers le zodiac, nous allions devoir ramer avec les mains… c’était moins réjouissant !
    La nièce de Madame selon ses propres dires, n’était pas « visit’visit’ ». Elle garda le « Beligou » pendant que nous sommes allés faire le tour de la partie nord de l’île en scooters de location

Nea Moni
La route sur les flancs du mont Aétos, nous mena à Nea Moni, un couvent situé dans un joli cadre verdoyant (comme toute l’île), dans un vallon herbeux ombragé d’immenses eucalyptus. Tout y respirait le calme et la paix, cependant… les religieuses ne manquèrent point de nous montrer... ce qui faisait leur fierté et dénonçait la barbarie turque : une armoire bibliothèque encadrée de chandeliers... remplie d’ossements

  • Skeptosas ! (soyez recueillis ?) … murmura la religieuse qui nous accompagnait pas à pas.. Sous le voile assez épais qui la masquait en grande partie. J’entendais mal et ne pouvais réellement comprendre sa langue étouffée ! Elle prétendit ensuite que ces reliques de martyrs seraient mises dans l’église lorsque les transformations nécessaires seraient effectuées.
    Certes nous étions recueillis.... mais nous n’avions pas envie de nous agenouiller. Le trafic des reliques et indulgences ayant été important jadis, la brave sœur se méfiait de nous. Donc cette bibliothèque était... le « livre des morts »... en quelque sorte... c’est à dire quatre étagères bourrées de crânes et la cinquième, celle du bas, de tibias, humérus et mains non jointes... ce qui montre par ailleurs que ce lieu de sainteté était très occupé avant que les religieuses ne soient des martyres en 1822.... Heureusement que mon clébard n’était pas de la visite, je n’aurais pu le maintenir à la vue de ces « nonosses » !

A notre retour au port, la gardienne en chef de mon voilier s’était documentée sur l’île de Chio à l’aide d’une brochure qui traînait à bord.

  • Vous saviez que l’amiral Duquesne avait bombardé les barbaresques occupant Chio il y a un certain temps ?... demanda-t-elle d’un ton malicieux
    • Ah bon ? Duquesne était amiral ?... Un de mes matelots Barroquins affirma devant moi à Dieppe où il y a sa statue, que c’était... l’inventeur du rhum !
  • L’un n’empêche pas l’autre, mais ce n’est pas dit dans le bouquin !

Emborios

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Nous avons quitté le fond malodorant du port pour nous rendre en baie d’Emborios dans le sud-est de l’île, en pleine zone de la culture des mastichirias, ces arbres qui donnent le « mastic », une précieuse gomme résine. A l’unique et étroit appontement au fond de la baie, fut amarré le cul du voilier. L’’ancre était bien plantée devant.
Un peu avant l’heure ouzoteuse, arriva un pêcheur qui avait remonté bien des poissons dans ses filets et devait se hâter de débarquer ses prises avant qu’elles ne tournent de l’œil et que la nuit tombe. Des charrettes devaient remonter ces poissons frétillants à Pirghi la grosse ville située au nord du village à une dizaine de kilomètres. Les bourricots tirant les charrettes à cet effet, brayaient, pissaient et lâchaient leur crottin en s’ébrouant. Mon chien contemplait le spectacle en se disant que la vie était belle.
Les caisses furent empilées et embarquées par les charretiers, sous l’œil attentif d’une armée de chats descendus des maisons proches. Mon chien avait agité la queue en guise de bienvenue et les matous ne semblaient rien craindre, ils attendaient gentiment la part qui leur serait distribuée.. Restait le filet très vaste et rempli d’algues et autres saletés accrochées qu’il fallait nettoyer et bien arrimer dans le bâtiment pour être rapidement et facilement remis à l’eau dès la prochaine sortie le lendemain à l’aube. Les hommes s’affairaient sans guère parler ; la navette prête à ramender toute déchirure dans les mailles Le patron pêcheur m’avait observé... comme on regarde un possible prédateur. Soudain il me cria :

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  • Ho touristass oknigosse. (touriste paresseux ?)... help-us !...

je suis allé tirer sur le filet avec les marins rigolards. Le travail effectué, les langues se délièrent, cigarettes et bouteilles d’ouzo ou de retzina, comme par miracle , sortirent on ne sait d’où avec des verres. Je suis allé chercher Madame lorsqu’un bouzouki fut extrait du poste de pilotage et que les hommes se mirent à chanter faute de pouvoir danser sur le pont trop encombré.
Un gros yacht à moteur, pétaradant et fumant arriva à toute vitesse et mouilla non loin de mon voilier. Je savais que c’était fichu pour une nuit calme et sans autre bruits que ceux de quelques oiseaux nocturnes et les clapotements des eaux sur ma coque, son bourdonnement ne serait pas un somnifère !
Un couple bien gras en débarqua et sans un regard pour notre petite fiesta passa majestueusement, sans doute à la recherche d’un restaurant qui n’existait pas à moins de dix kilomètres. Avec les marins ravis, on éclata de rire lorsqu’ils revinrent vers leur « cabin cruisé » Alexandros le patron du fileyeur les interpella :

  • Kalispera... felete psaria ? (bonsoir voulez-vous des poissons ?).... Ils ne tournèrent même pas la tête et à ma grande joie appareillèrent dès leur retour à bord.
    • Est-ce une vision de l’avenir qui vient de passer ? Interrogea mon épouse.
  • Sais pas madame... en attendant carpe diem !

Pirghi

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Vu la solidité de mon mouillage, je n’ai pas craint de quitter le « Béligou » pour aller dans l’intérieur montagneux, précisément à Pirghi où les maisons relativement récentes sont quasiment toutes décorées de motifs géométriques dont l’origine sans doute inconnue remonte aux… calendes Grecques ! Dans la ville médiévale de Pirghi les ruelles sont étroites et fraîches. Le contraste des maisons à la blancheur immaculée ornées de ces pavés aux triangles, carrés, ou ovales noirs, notamment autour de la place principale ombragée afin que les consommateurs des bistrots n’aient pas trop de chaleur… contraste avec les vieilles masures de briques et d’argile, se chevauchant au dessus des ruelles sombres.

La vieille église éclairée seulement par les cierges brûlant devant les icônes, était complètement obscure. Madame avait disparu... et tous de la chercher presque à tâtons, se cognant aux stalles et aux chaises… Elle était tranquillement assise dans le siège magnifiquement sculpté de saints et de démons, siège de celui qui devait être l’archipope, fascinée par les lumignons, jouissant du calme et du repos de ce lieu saint. Mains jointes sous le menton, elle attendait on ne sait trop quoi… peut-être une illumination ?

Mersin Korfezi
On pénétra incognito en territoire Turc par la… petite porte, en longeant la côte depuis le cap Karaabdullah jusqu’au mouillage au pied des ruines fantomatiques d’un fort Franc, dans une calanque inhabitée de la baie Mersin Körfezi, protégée vers le Sud de tous les vents, puisque trois grands îlots en bloquent l’entrée ne laissant qu’un étroit passage entre eux. Sans transit-log Turc, (permis de circuler du bateau et de son équipage déclaré) venant de Grèce… nous aurions pu finir notre voyage… en cabane, heureusement je l’ignorais mais selon mon habitude, j’avais choisi un coin désert. Note [2]

Kusadasi

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Toute la côte faite de falaises, était hostile et belle comme notre Finistère Sud, avec seulement un peu plus de… soleil. La baie d’Alçati à mi-chemin ne nous attira pas car il fallait malgré tout tailler de la route, le mois d’Août étant bien entamé.
L’entrée officielle en Turquie se fit par la sublime porte, de Kusadasi, où je voulais hiverner dans la marina neuve, Evidemment, les passagers ne furent pas déclarés…
Mon anneau fut retenu, la ville visitée de fond en comble avec ses commerces prospères de… faux Lacoste et authentiques fourrures et cuirs aux modèles piqués chez les couturiers parisiens. Avec ma troupe de clandestins, j’appareillai avec des papiers en règle permettant de circuler dans les eaux…Turquoises, à condition de ne pas aller en Grèce ou ces mangeurs de cochon, buveurs de vin demeurent impunément… contre la volonté d’Allah ! En passant devant le fort qui défendait l’entrée du port, je fis la blague classique :

  • Vite les jeunes !... planquez-vous dans les fonds… vous êtes clandestins et ils doivent nous observer à la jumelle !...
    • Tu parles !

Samos


Mes passagers débarquèrent officiellement dans l’île de Samos à…Pythagorion l’Orthodoxe. Ils figuraient bien sur le transit log Grec acquis à Egine lors de leur embarquement. On déclara que nous venions de Chio, n’ayant jamais mis les pieds en terre musulmane, où l’on ne craint pas la colère du Pantocreator, même si on égorge son frère comme un mouton pour une question de principe religieux mal interprété ! Michel partit avec eux pour aller chercher son camping-car qu’il ramènerait à Athènes où nous avions rendez-vous.
La dernière balade avec les jeunes, fut le tour de Samos en scooter. Il n’y avait pas encore eu de mains incendiaires, l’île toute boisée de forêts magnifiques était belle… comme sur les cartes postales. Les arrêts comme à Vathy, Kokari Karlovassi et même Vourliates où il fallait monter une pente raide, offrirent des paysages et des scènes typiques.
Le massif montagneux contourné, les passagers débarquants se retrouvèrent enchantés, et prêts pour apprécier l’ultime messe avant leur appareillage sur le ferry les menant au Pirée.

Fournoi, puis Kusadasi
Trois Français errant sur le quai, se trouvaient embarrassés faute de pouvoir louer un bateau de pêche pour aller à l’île de Fourni (ou Fournoi)… Qu’à cela ne tienne, nous avons appareillé avec ces nouveaux passagers, en affirmant à la Capitainerie que j’allais à Athènes pour hiverner le voilier, j’ai mis le cap à l’ouest et longé la côte sud de Samos pour aller mouiller à Fourni

De la petite île, dès le lendemain, après avoir passé une soirée agréable avec ces nouveaux amis… qui en retrouvaient d’autres, j’ai appareillé cap à l’Est directement pour Kusadasi. Note [3]
Le « Béligou » désarmé, dans la marina de Kusadasi, on se trouva comme des touristes ordinaires devant regagner la Grèce. Une grosse vedette à passagers qui exerçait un service régulier nous amena un beau matin de fin Août sur le quai de Port Vathy dans l’île de Samos.

Vathy en Samos

Dès l’accostage de la vedette, une grappe de douaniers se précipita pour fouiller tout le monde… depuis Midnight express, il devait être évident comme deux et deux font cinq, que tous ceux qui allaient en Turquie, y achetaient du haschich, probablement par kilos ! Les gabelous furent déçus de n’en point trouver. Ils s’acharnèrent alors sur les quelques passagers Grecs, ces traîtres qui allaient frayer chez l’ennemi héréditaire. Pour les autres, il y eut des palabres au sujet de « souvenirs », mais pas d’amende.
Nos sacs archi-bourrés furent carrément vidés sur la grande table dans le poste de douane. Madame qui avait mis tant de temps à tout ranger pour que tout puisse y rentrer, pestait et grommelait avec des yeux assassins.
Lorsque mon sac fut entièrement vidé et qu’il passa de main en main pour être examiné sous toutes les coutures par les fouilles merde cherchant probablement de la drogue… j’explosai et dans un Grec presque parfait j’ai demandé :

  • Mais bon dieu !... Que cherchez-vous ?... Je pourrais peut-être vous aider et vous éviter de foutre un tel bordel dans mes affaires strictement personnelles !
    • Carpettes monsieur ! Nous cherchons les carpettes !... répondit l’Officier qui voulait montrer qu’il savait quelques mots de Français
  • Vous voulez dire des tapis ?... Mais nom d’une pipe…comment pourrais-je rentrer un seul bout de tapis avec tout ce que j’ai déjà comme bazar !... Il n’y a pas de doublure… pas de double fond… vous avez bien tous regardé les coutures ?
    • On en a vu d’autres !... Affirma le chef d’un air entendu en… branlant du… chef…Vous êtes libres ! Circulez !

Le ferry pour Athènes n’appareillerait que le lendemain matin. Il fallait donc trouver une chambre à coucher en dehors des classiques et miteux hôtels, pour touristes de passage, dont la crasse et bruit en sortaient… jusque sur le pavé du trottoir. Le bed and breakfast ainsi que la chambre d’hôte, ne se pratiquaient pas encore dans ce secteur là. On arpenta les hauts du village et avons trouvé ce que nous cherchions. La nuit tombée, nous sommes revenus à cet hôtel des courants d’air.
C’était le presbytère d’une église non fréquentée. Sautant par-dessus le petit muret de clôture pour ne pas utiliser la grille close, nous sommes allés au centre du grand jardin obscurci par ses arbres et des eucalyptus élevés. Il y avait là, une immense fontaine circulaire sans eau, remplie d’herbe assez tendre. Depuis des années, la statue au centre, perchée sur son piédestal, n’avait pas craché son eau par le débordement de la jarre prévue à cet effet. On se coucha dans la bonne odeur de foin et la tête calée sur nos sac, on s’endormit en contemplant la voûte étoilée. Les grillons et cigales avaient cessé leur potin avec le coucher du soleil. L’air était doux, ce fut le calme et le repos, loin des musiques grecques des bars et tavernes du long du quai de la ville basse.

Au petit matin, un couinement de porte nous éveilla. J’allais demander qui se permettait de pénétrer dans ma chambre, lorsqu’une fois bien éveillé, j’ai réalisé la situation. Les yeux à la hauteur de la margelle, on vit et un vieux pope qui prenait l’air sur le pas de la porte du presbytère. Il fit quelques pas dans son jardin, regarda quelques fleurs, décrocha une serviette de toilette qui était épinglée sur un fil et referma sur lui la porte qui grinçait, comme un rire… diabolique.

  • Nous ferons notre toilette à bord du ferry !..
    • Prenons nos cliques et nos claques, allons à la recherche d’un grand café bien noir !
  • Tu rêves !... Tu sais bien que le « café grec » est petit, serré et qu’il y a autant à boire qu’à manger dans la micro tasse !
    • On demandera des tartines de beurre de brebis, avec du miel à mettre dessus !

L’ami Jacques nous attendait à Athènes. Ô surprise !... il me remit une grosse enveloppe... bakchich de la part du chantier de Pérama !

  • C’est normal ici !... J’ai apporté du travail au chantier, j’ai eu mon enveloppe, tu as crée ce travail… tu as ton enveloppe !... Ne t’inquiètes pas, c’était inclus dans la facture que tu as payée et tu seras remboursé par ton assurance en fonction de la facture que le chantier lui a communiquée !
    • Espérons !... Cependant j’ai confiance en celui avec qui j’ai signé le contrat… quant à son siège parisien et branlant… si je peux lui scier une patte… je le ferai !

Retour en camping car par la Yougoslavie
Le camping car de Michel reprit du service. La Grèce traversée du Sud au Nord, on visita la Yougoslavie. Dans ce magnifique pays, régnait la paix communiste. Malgré l’afflux de touristes plutôt Germaniques dans les grands centres aménagés pour eux seuls, sur les côtes d’Istrie et Dalmate, donc malgré cet apport certain de devises fortes, il n’y avait rien à bouffer. Les caisses de l’état devaient subir une évaporation phénoménale dans des poches…insondables. Les magasins étaient vides, les supermarchés, objet de fierté nationale, astiqués comme des cliniques, avaient leurs rayons vides et les marchés rappelaient par leur pauvreté, ceux de Russie que j’avais connu. En fait, le peu de ravitaillement était réservé à l’étalage de poudre aux yeux ainsi qu’aux hôtels pour Allemands… « pas touche ! » pour le petit peuple.

Evidemment comme partout, les paysans arrivaient à vivre et les foules des villes… à survivre… les belles paroles ne nourrissant guère. Il régnait une tristesse silencieuse incroyable, accentuée le soir par l’éclairage restreint... La débauche de lumière est un signe manifeste de la décadence capitaliste… c’est bien connu ! La seule distraction aurait-on dit, était de fabriquer des enfants qui deviendraient héros de la mère Patrie, à l’exemple du Maréchal Tito, momie pétrifiée par une adoration obligatoire, donc contrôlée.

Descendus dans un bel hôtel forcément étatisé, quelque part dans le centre montagneux avec le parc classé au patrimoine mondial par l’Unesco, nous sommes passé à table. Nous étions les uniques clients dans une vaste salle disposant d’au moins une cinquantaine de couverts dressés, leur vaisselle bien astiquée. Seule la suspension rococo, peut-être de cristal, datant d’avant la guerre 14, située au dessus de notre table était allumée. Les autres lustres scintillaient de leurs cabochons dans la pénombre. Les stucs et décors de plâtre, encadraient de grands tableaux du genre bucolique qui du fait de la pénombre, avaient l’air de… natures mortes. Dans une autre salle voisine mais plus discrète, quelques profiteurs locaux du régime avaient une réunion repas, et discutaient avec la gravité requise, des grandes affaires de l’Etat dans un brouhaha, tintements de verres et une fumée de cigares ou cigarettes à couper au couteau. Une nuée de serveurs et servantes… fonctionnaires… s’empressaient de changer leur vaisselle salie à chaque instant.

  • Comme… dans le pays que vous savez à l’Est, même le balayeur est fonctionnaire. Il a donc un salaire garanti et tout ce qui va avec… hélas bien maigre ! En tant que fonctionnaire, comme un Louis XIV, disant « l’Etat c’est moi ! »… il est donc fier d’être l’Etat !... De ce fait, il ne peut ni râler ni se plaindre si sa pitance est maigrichonne… Facile à piger n’est-ce pas ?
    • Un peu simpliste tovaritch Kerdubon !

La carte était impressionnante. Des venaisons au simple poulet rôti, on y trouvait de tout, y compris l’étal d’une poissonnerie… à toutes les sauces. Chaque fois que nous pointions du doigt un plat, le Maître d’hôtel digne et galonné secouait négativement la tête. On aurait pu se croire en Grèce où ce mouvement du menton veut dire oui… hélas c’était la triste réalité qui sortait de l’oracle à la bouche où quelques dents s’étaient faites la valise.

  • Finish !
    • Finalement dites-nous ce qu’il y a en dehors des « crécouis » !
  • Quoi de cuit ?
    • Ma Grand-mère disait qu’il n’y avait pas toujours à bouffer à l’ époque où elle était gosse, surtout si son père ne rapportait rien de la pêche, les jours de gros temps. Alors elle-même et ses frères demandaient en « dansant devant le buffet » : Ce soir y aura-t-il à manger ?... Sa maman répondait : J’cré qu’oui !... voulant dire : je crois que oui !... ce n’était pas une certitude !

Le pingouin mit son bras qu’il tenait respectueusement derrière le dos avec une serviette bien propre, dans le cercle de lumière pour reprendre la carte puis dit en bon Français :

  • Je vais apporter ce qu’il y a… de la salade et un ragoût !... Vous pouvez constater que je parle votre langue… mon fils travaille dans la région Parisienne et vient régulièrement en vacances !
    • Félicitations ! Serait-il possible de dire à votre gâte-sauce que j’aime la salade… sans oignon !
  • Bien sûr Monsieur !

La mise en valeur de sa manche dans la lumière, montra qu’elle était lustrée et tachée de sauces diverses. Les galons cependant y brillaient, comme neufs… Peut-être que leur porteur venait d’être promu après de nombreuses années au service des épluchures… comptabilisées… comme tout ce qui appartient à l’Etat... et probablement que si on fabriquait des galons indispensables, on ne taillait plus de tenues neuves.

  • Un jour, j’inventerai les galons miroitants ! Pour une fois, on aura des casquettes qui réfléchissent… à défaut de penser !
    • Tu sais Joachim… Les galons ont toujours été des miroirs aux alouettes pour les poulettes qui ont toujours pensé que tout ce qui brille était de l’or !
  • Merci Michel !... mon Jules ne portant ses galons à bord des cargos, que les jours de « visite-annuelle » j’ai du avoir la chance de le rencontrer dans une de ces occasions !

Trois rondelles de tomates précédèrent le ragoût déjà tellement réchauffé depuis des jours et des jours, que la viande était pratiquement dissoute dans une sauce du genre colle aux champignons. De toute façon, il était impossible de dire si c’était du lard ou du cochon, du bœuf ou de la vache, du mouton ou de la brebis, du sanglier ou du cheval !... C’était comme une sorte de soupe très épaisse, d’autant plus que les patates avaient subi le même sort que la viande. Vint la salade avec un maigre bout de fromage indéterminé, mais pas mauvais du tout.

  • Mais c’est une salade d’oignons !... Les gros oignons rouges d’une force explosive, étaient plus ou moins hachés et en-saucés avec une vinaigrette pratiquement sans huile !

Les routes étaient peu encombrées par la circulation. Elles serpentaient dans de splendides paysages, que ce soit vers Skopjé, dans les bouches de Kotor encore en ruine suite à un tremblement de terre, ou bien vers Dubrovnick où fleurissait l’art, sans que personne ne se doute du futur conflit qui la ruinerait, ou encore plus Nord vers Split, Zadar, et Rijeka.
Quelque part dans la région montagneuse du Monténégro, on dévalait une route sinueuse et étroite. Soudain, un aigle immense passa à ras du pare-brise, et pour éviter d’être heurté, dut lâcher la proie qu’il tenait dans ses serres… un gros poulet vivant… qui s’enfuit dans le taillis voisin.
En traversant un village perdu, solitaire loin des villes, et semblant désert, deux policiers armés nous firent stopper. Tant bien que mal, les sbires comme des loups affamés réclamèrent une part de leur gâteau… quelques francs… en raison d’un probable excès de vitesse. On ne mégota pas avec ces farouches défenseurs de l’ordre communiste qui veut qu’on… partage !

Retour en France
Une dizaine de jours après notre départ de Grèce, on arriva à Trieste. La route de Michel et la notre devenait différente. On prit le train et nous avons vu en gare frontière de Modane, deux ou trois douzaines de clandestins de toute espèce, se faufiler sur les voies du côté opposé au quai.

  • Voilà des futurs citoyens… sans papiers !... çà doit pas être si mal que çà chez nous, quoiqu’en disent certains toujours prêts à cracher dans la soupe !... Remarque on ne voit pas de képis leur courir après !... Il est vrai que c’est l’heure de l’apéritif dans les commissariats !
    De retour, mon assureur me donna un rendez-vous en précisant
  • A ce moment, j’aurai dans mon bureau, le grand chef de Paris, celui qui est maître de votre dossier… Jouez le grand jeu ! Je me suis pointé à l’heure dite et j’ai forcé le barrage de la secrétaire qui n’était pas au courant des choses et cherchait à m’empêcher de pénétrer dans le bureau de l’agent d’assurance.
    • Excusez-moi !...dis-je au pingouin parisien… Juste deux mots à Monsieur mon agent d’assurance !... Mossieu, l’assurance de ma maison, l’assurance de mes bagnoles, et bien entendu celle de mon bateau, jointe à celle de ma considération distinguée, je les arrête !... Et… hurlais-je… vous savez bien que je vais battre le tambour parce que j’ai une grande audience dans le milieu maritime plaisance !... De vos 400 contrats dans les ports du coin, il n’en restera pas grand-chose lorsque j’aurai diffusé l’histoire du tour que votre siège veut me jouer !... Je vous conseille d’ailleurs de ne plus rester assis sur ce siège !... Vous pouvez changer de compagnie… car vous personnellement, on vous connaît comme bien honnête !... Mais la boîte que vous représentez, sera grillée sur les pontons, je vous le garantis !

Et je sortis en claquant la porte tellement fortement qu’un cadre mal accroché tomba dans un fracas de verre brisé.
Le coup de téléphone qui suivit quelques heures plus tard, amena réjouissances et… non pas une messe ordinaire… mais un te deum délirant !...

  • Vous y êtes allé très fort !... vous allez être remboursé intégralement de la facture envoyée par le chantier… à condition d’arrêter, une publicité… désastreuse aux yeux de Paris !


Kerdubon


[1] ndlr : Joachim le relève, et nous pouvons confirmer, pour l’avoir vécu 30 ans plus tard en Turquie dans le petit port de Palamut, début septembre, avec une dépression orageuse tombant de SE avec des vents d’une grande violence. Vers minuit, les villageois sont arrivés, avec des défenses, des pneus, tout ce qui pouvait aider les voiliers de passage en grande difficulté. Vers une heure du matin est arrivé en complet désarroi un grand sloop allemand, voiles déchirées, et équipage aux abois. Après avoir embouqué les passes, ils sont tombés sur quatre barques de pêcheurs, qui les attendaient, les ont guidés et ont sécurisés le bateau… Les larmes nous en sont venues aux yeux

[2] ndlr : 60 milles entre Chios (Emborios) et Kusadasi, aucun port, seules options pour s’abriter : les très belles rias sur la côte turque dont effectivement Mersin Korfezi. Mais il y en a d’autres, en particulier, ce joyau : http://www.plaisance-pratique.com/C...

[3] ndlr : l’air de rien, Joachim a choisi des itinéraires très ventés, pas commodes, là où tout le monde ne pointe pas l’étrave : le cap Kafirea (en quittant Andros), Psara et Fournoi, sont connus pour être très exposés

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