(article connexe :mesurer un éventuel courant de fuite sur le bateau)
Mesurer soi-même à peu de frais la protection galvanique de son bateau :
Des mesures simples permettent de répondre à la question essentielle posée par les problèmes de corrosion galvanique : la protection anodique du bateau (zincs) remplit-elle son rôle ?
Comme nous l’avons vu dans l’article sur la corrosion galvanique, la protection cathodique consiste à prévoir des anodes sacrificielles (pour la mer en zinc) qui vont se corroder à la place des parties métalliques que nous voulons protéger.
L’approche américaine (et anglaise) consiste à réunir tous les éléments métalliques du bateau au contact de l’eau par un conducteur de masse et relier à ce conducteur un certain nombre d’anodes pour amener ce conducteur à un potentiel suffisant pour assurer la protection.
Cette approche offre un certain nombre d’inconvénients, notamment sur les bateaux en bois, et s’est avérée inutile sur les bateaux en verre-résine. Elle n’est pratiquement plus pratiquée en Europe.
Les bateaux à coque métallique n’ont pas le choix, la coque elle-même constituant une liaison équipotentielle.
Les mesures ne sont souvent entreprises que lorsqu’un problème est détecté (corrosion anormale, consommation rapide des anodes), mais il est préférable d’y procéder à titre préventif avant la crise…
L’autre élément essentiel est :
L’électrode de référence :
Les potentiels électrochimiques indiqués dans le tableau ci-dessus sont conventionnellement référencés par rapport à une électrode de référence dite électrode calomel saturée dont le potentiel est +0.2444 V par rapport à l’électrode à hydrogène qui constitue la référence internationale.
En pratique, ces électrodes sont difficilement utilisables sur le terrain, ce qui amène à préférer utiliser en eau salée une électrode de référence plus robuste, dite électrode argent/chlorure d’argent, en abrégé Ag/AgCl.
Le potentiel de ce type d’électrode par rapport à l’électrode à hydrogène est de + 0.22249 V.
On néglige la différence de 20 mV, d’autant que les mesures sont en fait des mesures de différences de potentiel.
Nota : cette électrode Ag/AgCl ne donne pas satisfaction en eau douce où l’on préfère utiliser une électrode Cuivre/Sulfate de Cuivre (dite Cu/CuSO4) dont le potentiel est de + 0,314 V. Dans ce cas la correction est importante, mais la protection galvanique en eau douce est différente de celle en eau de mer (ou saumâtre) (notamment anodes en magnésium…).et n’est pas traitée ici .
La solution pro :
Les électrodes de référence commerciales se présentent sous la forme d’un cylindre de plastique relié à un fil de mesure.
Le prix d’une électrode de référence professionnelle est de 70 à 500 € suivant fournisseur, par exemple deux fournisseurs sérieux vendant en direct :
http://www.mcmiller.com/accuref.aspx : électrode Accuref 20 : 95 USD HT
http://www.silvion.co.uk/ : électrode SW 100 : 120 € TTC
Ce sont des matériels très robustes et à durée de vie en fonctionnement très longue (McMiller donne plus de 20 ans pour l’Accuref 20, avec une version de plus de 60 ans à 199 USD !) et un stockage illimité.
Malgré leur prix relativement élevé, leur achat se justifie à mon avis pour un bateau à coque métallique où des mesures fréquentes sont recommandables.
Vous avez probablement tous vu et utilisé des électrodes Ag/AgCl sans le savoir : les électrodes utilisées dans le milieu médical pour les électrocardiogrammes ou encéphalogrammes sont de ce type : elles doivent en effet mesurer des potentiels en contact avec un liquide salé : la transpiration.
Il existe notamment des électrodes consommables qui ont une durée de vie très courte du fait de la très faible quantité d’argent utilisé : un placage de quelques microns. Le fabricant 3M ne prend pas de risques et donne : « quelques heures ». Cela suffit néanmoins largement pour une séance de mesure complète. Ces électrodes existent en deux versions : connexion à pression ou à languette, équivalentes. Il existe aussi des électrodes « fil » notamment à usage dentaire, moins faciles à trouver.
Le prix de ces électrodes ECG est très faible : par exemple, sur le site de VPC http://www.girodmedical.com :
- 30 électrodes à pression : 3 € TTC,
- 100 électrodes à languette : 8 € TTC
- plus le connecteur spécial pour fiche banane à 2,03 € TTC
Pour quelques 10 €, vous êtes parés pour des années… Voir détail de confection d’une électrode en annexe.
Pratique concrète de la mesure sur son bateau
La conduite de la mesure :
- Si le bateau est resté au sec longtemps ou si des anodes neuves ont été installées, il vaut mieux attendre 24 heures pour leur laisser le temps de s’oxyder et devenir « actives ».
- Immerger l’électrode de référence. On recommande habituellement de la placer au milieu de la longueur du bateau à une profondeur de l’ordre du tiers du tirant d’eau. Assurer le fil à la filière ou au plat-bord ;
- Connecter l’électrode de référence à la borne « Com » du multimètre, éventuellement via des rallonges.
- Connecter un cordon de mesure avec pointe de touche ou pince crocodile à la borne voltmètre de votre multimètre (des pinces crocodile de grande taille sont pratiques pour des mesures sur vannes ou objets un peu volumineux).
- Mettre en marche le multimètre sur un calibre adapté à la mesure de tensions de l’ordre de 1 V continu.
Vous pouvez maintenant contrôler tous les éléments métalliques de votre bateau en les touchant simplement avec votre cordon de mesure.
Nota : cette mesure ne présente aucun danger sauf défaut grave du circuit 220 V.
Non seulement la valeur trouvée est importante, mais aussi son évolution : il est souhaitable de noter les valeurs trouvées : si elles ont changé de façon significative à la mesure suivante, il convient de rechercher pourquoi : usure des anodes, apparition d’un défaut…
- Si on trouve des valeurs moins négatives, il est probable vos anodes sont trop petites ou usées ou que le contact électrique anode/support est mauvais, cas fréquent avec certains montages boulonnés.
- Si on trouve des valeurs très négatives (au-delà de - 1 050 mV), on a un risque de surprotection ou d’oxydation cathodique, soit du fait du montage par erreur d’anodes en magnésium, soit du fait de courants de fuite. La recherche des causes devrait être faite immédiatement !
- Les mesures sont à faire prise de quai branchée et débranchée, puis moteur en marche. Si les mesures diffèrent de plus de quelques mV, il y a un problème quelque part !
- On peut par ailleurs contrôler la terre de la prise de quai : Attention à ne pas se tromper de fil : DANGER. On doit mesurer entre – 400 et – 800 mV. Une mesure en dehors de ces valeurs indiquerait un problème de terre ou de courant de fuite côté port.
- La périodicité des mesures est à votre appréciation, 2 ou 3 mois me semblent corrects pour un bateau en verre –résine.
A noter que les « gros » ont des systèmes de mesure en continu avec des électrodes de référence fixées sur la coque. Il y a sûrement une raison…
Nota : on pourra compléter par une recherche de courant de fuite en alternatif (voir l’article correspondant).
Annexe 1 : Confection d’une électrode de référence à 0,20 € :
Si vous souhaitez utiliser une électrode médicale « à pression », un minimum de préparation vous assurera une mesure fiable.
Exemple de réalisation :
- Prendre un morceau de matière plastique d’environ 75 mm de côté (ici, un couvercle en polypropylène de tube de chips pour l’apéritif), percer trois trous (2 de 3 ou 4 mm pour la fixation et le lest et un de diamètre supérieur à l’élément actif de l’électrode (ici 15 mm).
- Prendre l’électrode, peler le film de protection et la coller sur la plaque plastique. Remettre la protection côté capteur pour protéger l’élément sensible.
- Protéger l’envers par un morceau de duct-tape percé pour laisser passer la pression (l’adhésif de l’électrode n’est pas hydrofuge). Fixer un fil de contact sur la pression en serrant bien.
- Etancher la connexion au mastic polyuréthanne ou silicone et laisser polymériser.
- Rajouter une drisse de suspension et fixer le fil de contact à la drisse de suspension avec des nœuds tête d’alouette pour ne pas exercer d’efforts sur la connexion.
- Lester l’ensemble avec un galet ou autre objet dense non-métallique attaché par un autre bout !
Certaines électrodes sont recouvertes d’un gel pour assurer un meilleur contact avec la peau, sans effet sur la mesure pour celles que j’ai essayées. En cas de doute, le retirer en grattant avec l’ongle dans l’eau.
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C’est prêt !
- Pour une électrode à languette, c’est encore plus facile : sandwicher l’électrode, sa pince de connexion et le fil entre deux épaisseurs de duct-tape bien appliquées l’une sur l’autre, celle côté senseur étant percé d’un trou adapté. Lester.
- Dans les deux cas, la connexion avec le fil doit être impérativement isolée de l’eau de mer.
- Ces électrodes peuvent éventuellement être réutilisées si bien lavées à l’eau douce, séchées puis stockées à l’abri de la lumière dans un sachet plastique. Dans ce cas, il est souhaitable de vérifier leur bon état avant réemploi par la manip suivante
Annexe 2 : La manip d’entrainement :
Il est tout à fait possible de s’entraîner chez soi à ces mesures. Par ailleurs le même processus à bord permettra de s’assurer de la validité des mesures (calibration du multimètre, électrode de référence, salinité de l’eau suffisante).
Pour cela :
- Prendre un récipient en plastique ou verre (Machinware par exemple, pas de métal !) de taille convenable.
Le remplir d’eau de mer reconstituée (à la maison : 35 g de sel par litre d’eau) ou puisée par-dessus bord (en bateau). - Relier au multimètre un morceau de métal relié à un cordon de mesure par une pince crocodile.
- Relier l’électrode de référence au pôle commun du mutimètre
- Placer le morceau de métal à mesurer et l’électrode de référence dans le récipient. (ne pas immerger la pince croco, ça fausserait la mesure)
- Allumer le multimètre. Lire la valeur et comparer au tableau.
Et c’est tout : dans l’exemple ci-dessous un bout d’aluminium donne -772 mV environ, avec une électrode de référence « pro » et -767 mV avec l’électrode « à 0,2 € » : 0.6 % d’écart, semblable à ce qu’on peut observer entre électrodes « pro » étalonnées.…
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Vous pouvez essayer avec d’autres métaux…
Complément :
Si vous avez un isolateur galvanique, il est possible de le contrôler simplement avec votre multimètre :
- Débrancher la prise de quai.
- Débrancher l’isolateur galvanique. Par sécurité, au cas où il serait équipé d’un condensateur, court-circuiter les bornes avec un bout de fil.
- Avec le multimètre en position contrôle de diodes, mesurer l’isolateur entre ses bornes dans les deux sens de conduction (attendre la stabilisation de l’affichage si l’isolateur est équipé d’un condensateur). Vous devez obtenir le même résultat dans les deux sens de mesure à 10 ou 15 % près.
- Avec le multimètre en position ohmmètre vérifier l’absence de court-circuit entre les bornes de l’isolateur et le boitier.
- Remonter l’isolateur dans le circuit de terre.
En complément à cet article, on pourra lire sur le site :
La corrosion galvanique : 1- le bateau isolé
La corrosion galvanique : 2- le bateau dans son environnement
La corrosion électrolytique par courant de fuite continu
La corrosion électrolytique par courant de fuite alternatif
Mesures de contrôle en protection galvanique