Rappels :
Dans les articles sur la corrosion galvanique, nous avons examiné les problèmes créés spontanément par la coexistence de quatre éléments :
- Un électrolyte : c’est-à-dire une solution liquide, légèrement conductrice de l’électricité. Pour nous c’est l’eau de mer (conductivité environ 50,000 μS/cm).
- Un métal « noble ».
- Un métal différent du premier, moins « noble ».
- Et un contact électrique entre les deux métaux.
Cas pratique de bateaux bien équipés en confort électrique :
Sur la plupart des bateaux actuels existent des équipements électriques et donc des sources d’énergie électrique.
En courant continu, on trouve en général des batteries de tension 12 ou 24 V et des moyens de rechargement : alternateurs sur moteur ou arbre d’hélice, chargeurs de quai, panneaux photovoltaïques, éoliennes, voire piles à combustible.
Si nous reprenons notre schéma et introduisons une source de courant continu, nous voyons apparaître deux cas :
- Le pole + de la source est relié au côté anode : les courants vont alors s’ajouter et la corrosion s’accélérer, parfois de façon spectaculaire.
- Le pole + de la source est relié au côté cathode : les courants vont alors se soustraire et la corrosion diminuer, voire s’arrêter. Ce cas qui parait favorable est la base des systèmes de protection cathodique à courants imposés.
Néanmoins, ce type de système doit être contrôlé finement car il peut facilement amener à une surprotection avec des conséquences tout aussi fâcheuses. Du fait de la complexité et du coût de ces systèmes couramment employés dans les marines marchande et militaire, on les rencontre rarement en « petite » plaisance (sauf notamment sur certaines embases de Z-drive Mercruiser).
Dans ces cas, l’appellation correcte est corrosion électrolytique, puisque consécutive à un courant extérieur au système.
En pratique, il est préférable d’éviter de se trouver dans ces deux situations.
Deux écoles :
Deux écoles coexistent pour l’architecture des réseaux continus sur les bateaux de plaisance :
- La première école, dite américaine, recommande un circuit électrique continu bifilaire (pas de retour de courant par la masse sous aucun prétexte) et de relier le fil – à un réseau de masse reliant toutes les masses métalliques du bateau, lui-même relié aux anodes de protection.
- La seconde, dite européenne, recommande aussi expressément un circuit électrique continu bifilaire, mais n’exige pas de relier ce réseau à la masse du bateau (ISO 10133).
Il est clair que la deuxième solution est celle qui est la plus sécurisante vis-à-vis des courants de fuite, mais il faut être très attentif à ce que cette séparation soit effective : par exemple, sauf le cas de quelques moteurs câblés en bifilaire (certains Perkins par exemple), le – des batteries de démarrage est relié au bloc moteur et donc, via la transmission, à l’arbre d’hélice et à la mer.
Le câblage devra être situé dans des zones aussi peu humides que possibles et les connexions protégées des eaux de ruissellement . Attention aux boites étanches qui le sont dans les deux sens : l’eau entrée ne ressort jamais.
Quelques idées utiles :
- Utilisation de transmissions isolant électriquement le moteur et l’arbre d’hélice (certaines Volvo)
- Tourteaux d’accouplement isolants : en effet, le moteur est isolé par son montage sur silent-blocks, mais il faut vérifier aussi qu’aucun contact ne s’établit, par exemple, par les canalisations carburant ou les connexions du tableau de bord, câbles d’inverseur et d’accélérateur, bougies de préchauffage, sondes de mesure sur le moteur, etc ...
- Il sera utile de prévoir des points de tests accessibles facilitant la mesure de l’isolement des circuits. Une solution simple et efficace est de prévoir des prises du type banane reliées au +, au – du réseau continu et à la masse bateau (un passe-coque ou un boulon de quille par exemple) au niveau du tableau électrique. Le test se fait alors simplement avec un multimètre en position milliampère.
- Une solution plus sophistiquée est de monter deux voyants (LED par exemple) entre le+ et la masse et le – et la masse via un interrupteur momentané : une simple pression sur l’interrupteur permet de vérifier le non allumage des lampes et donc l’absence de fuites (commode mais peu sensible).
- Enfin il existe de vrais testeurs de fuite très sensibles capables de mesurer des courants de fuite en courant continu de quelques micro-ampère pour quelques dizaines d’euros.
Ce test devrait être fait pour tous les circuits consommateurs mis en marche un par un successivement pour pouvoir localiser un défaut éventuel.
Deux pièges courants :
- La pompe de cale automatique qui peut avoir une fuite de courant au niveau du moteur ou du contacteur en présence d’eau seulement : ne pas se contenter de mettre le circuit sous tension, mais mettre de l’eau (salée) dans le puisard et observer le résultat…
- Un autre piège est l’antenne VHF : la plupart des antennes VHF montées en tête de mat ont la gaine extérieure du coaxial reliée à l’équerre de montage, ce qui, si aucune isolation n’est prévue, va mettre le – batterie à la masse bateau via le poste VHF.
Comment savoir si on a un problème ?
En dehors de la mesure directe par un testeur de fuites de courant, deux signes doivent inquiéter lors de la mise au sec :
- Dissolution beaucoup plus rapide que d’habitude des anodes de protection.
- Apparition sur la peinture antifouling d’auréoles blanchâtres autour des pièces métalliques (ce n’est pas systématique, seuls certains antifouling à base cuivre ont ce type de réaction liée à l’oxydation du cuivre contenu).
En complément à cet article, on pourra lire sur le site :
Mesure concrète du courant de fuite
La corrosion galvanique : 1- le bateau isolé
La corrosion galvanique : 2- le bateau dans son environnement
La corrosion électrolytique par courant de fuite continu
La corrosion électrolytique par courant de fuite alternatif
Mesures de contrôle en protection galvanique