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Publié Juin 2022, (màj Juin 2022) par : yoruk |
Témoignage de Mr Thierry Lebrun le 4 juin 2022
Aujourd’hui, nous avons fait route de Karistos à Lavrio (Olympic Marina), soit 25 nm parcourus en 4 heures. Dès le départ nous avons rencontré 45 nds de vent, accompagné de rafales à 58 nds, puis mollissant de 25 à 35 nds en sortant de la baie. Le vent était NNE à Karistos, et dévalait des montagnes...
Quant aux modèles météo, pas un n’avait prévu quelque chose d’approchant, le plus proche était NEMS, au début, et puis ECMWF à la fin.
Témoignage sy Sylphe, (Fantasia 27 pieds) le 29 août 2003
Une fois viré le cap Proximadhi, il nous faudra plus d’une heure trente pour faire le petit mille et demi qui séparent du cap Mnima. Le vent passe au N/NW avec des rafales à 6+, et la mer qui va avec. Et presque deux heures de plus pour gagner Karistos, ou il nous faudra accoster avec un vent traversier de 20 nœuds. A 04:30Z 1012 hPa, à 08:00Z 1014 hPa
ndlr : F6+ c’est déjà beaucoup pour un voilier de 7,75 m. Nous avions été surpris par l’agressivité des rafales, tombant de N/NW, ce qui nous avait amené à rechercher l’abri de la terre entre le cap Proximadhi et le cap Mnima. Une fois doublé ce dernier, le fetch diminuant, on avait pu faire route directe
Sommaire :
Un immense zone de faible gradient de pression a envahi le basin méditerranéen orientale. GFS et ICON.EU convergent et montre un écart de 4 hPa entre la côte anatolienne et la côte grecque. Un faible flux, de secteur nord, s’établi en Mer Egée.
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Le cap Kafirea (en grec : Ακρωτήριο Καφηρέας ; ancienne forme : Καφηρεύς), aussi nommé Cavo d’Oro ou Cavo Doro (en grec : Κάβο Ντόρο) est un promontoire sur la pointe sud-est de l’île d’Eubée en mer Égée.
Le nom Cavo d’Oro signifie en italien cap doré, il s’agit d’une déformation du nom Cavo Duro, « cap dur », donné à partir du Moyen Âge en raison de sa dangerosité.
Avec l’île d’Andros, il forme le détroit de Kafirea, une des zones de navigation la plus dangereuse de la mer Égée.
La barrière montagneuse formé d’îles entre l’Eubée, dont le promontoire du cap Kafirea et ses 1398 m d’altitude, les pieds dans l’eau, et Mikonos, orientée NW/SE, barre la route des vents dominants, de secteur N en été et S l’hiver.
Le détroit de Kafirea est lui-même borné par les hauteurs de l’île d’Andros qui s’incline vers la mer de 997 m à 698 m à l’est du détroit, et par le promontoire du cap, culminant à 1398 m, surplombant la mer Egée au Nord, le détroit à l’Est et la baie de Karistos au sud.
Dans ce cadre, la position de la baie de Karistos, normalement sous le vent du Meltem, en été, offre un cas spécifique d’effet de levage orographique du vent. C’est ce qui s’est produit le 4 juin, pour le bateau faisant route de Karistos à Olympic Marina
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Vue du nord, exposée au Meltem, la côte du promontoire n’offre aucun abri, elle est accore, avec de grandes profondeurs tout de suite. La pente raide entre le niveau de la mer et le sommet à 1398 m est une véritable barrière à l’ouest, un petite vallée moins encaissée offre peut-être un échappatoire aux vents de N/NW. Débouchant sur Karistos, elle peut-être une explication aux violentes rafales agitant la baie, mais pas seulement.
Vue du sud, la pente est plus douce, et la forme et la position de la baie peut offrir un lit douillet à ’installation, sous certaines conditions de vent et de pression, d’une dépression orographique (on est proche des effets de Foehn) et c’est probablement ce qui s’est passé ce 4 juin 2022.
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Avec XYgrib, quatre outils graphiques d’analyse
Dépression orographique, définition : Dépression apparaissant sous le vent du relief. A l’inverse, au vent du relief, la pression sera plus élevée. Souvent, la situation revient à la normale lorsque la force du vent se modifie, ou que sa direction n’est plus perpendiculaire à la crête.
[1]
En l’occurrence, cette définition s’applique parfaitement au cas du promontoire de Kafirea opposé au vent dominant de secteur nord (Meltem), créant une zone de surpression à l’avant de l‘obstacle, et laissant apparaitre à l’arrière un zone de dépression, ce que montrent très bien les WRF 4 km, expliquant bien ce qu’a ressenti Thierry Lebrun : 45 nds de vent, accompagné de rafales à 58 nds dévalant de la montagne !!!
Les réponses graphiques des modèles :
Les diagrammes SkiewT-LogP
Ils permettent la visualisation de la structure du vent en altitude, ainsi que de nombreux indices :
Pour 8 points sensibles de la zone du promontoire de Kafirea, nous rechercherons en affichage graphique, mais aussi en texte dans le panneau des valeurs, les indices permettant la mise en évidence de l’évolution physique de l’air :
Ecran de lecture : XyGrib, en mode graphique, complété de l’option du panneau d’affichage des valeurs
Grib : OpenWRF 4 km, source : OpenSkiron du ven 03-06-22 18Z. date observée : 20220604 03Z
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Conditions du point : dégagé de la côte, c’est une situation de meltem faible, dans un environnement sec. CAPE faible, indice de réflectivité nul. A 1524 m d’altitude, le θe perd 4° et à 3144 m, il perd à nouveau 1,5°, signe que le meltem, sans être violent, est instable en altitude.
Conditions du point : au bord de la côte, déclivité de 22%, pour une altitude 65 m dans un environnement pratiquement saturé, du fait de la chute de la température. CAPE insignifiante, indice de réflectivité nul, le vent est complètement tombé, seules les rafales (22 nds) sont actives. L’isobare 850 hPa est à 1520 m d’altitude, le θe perd 4,8° et à 700 hPa à 3140 m, il perd à nouveau 0,5°, signe d’instabilité en proche altitude. Le vent est face à la pente, pas d’échappatoires sur les côtés, il ne lui reste plus qu’à escalader. Les conditions d’un effet de Foehn sont réunies...
Conditions du point : mi pente de la côte au vent, déclivité de 30%, pour une altitude 611 m dans un environnement saturé, du fait de la chute de la température. On est surement dans les nuages. CAPE insignifiante, indice de réflectivité nul, le vent 11.5 nds, s’oriente au nord, dans le sens de la pente, les rafales (30.6 nds) se renforcent. L’isobare 850 hPa est à 1516 m d’altitude, le θe perd 5,2° confirment l’instabilité en proche altitude. Toutes les conditions d’un effet de foehn se confirment.
Conditions du point : au sommet, côté de la côte au vent, déclivité de 30%, pour une altitude 1302 m dans un environnement qui se désature un peu, du fait de la remontée légère de la température. CAPE et indice de réflectivité nuls, le vent 27.2 nds, s’oriente au N/NE, les rafales (40.0 nds) se renforcent, confirmé par la vision en altitude des SkiewT_LogP. A 1514 m (hPa 850) les θe perdent 5.4° signe d’instabilité
conditions du point : au sud du sommet, côté de la côte sous le vent, la déclivité s’adoucit entre 24 et 12%, à une altitude 106 m (on est à la limite de la plaine côtière) dans un environnement qui se désature un peu, du fait de la remontée de la température. CAPE et indice de réflectivité nuls, le vent 40.4 nds, s’oriente au N/NE, les rafales (46.6 nds) se renforcent, confirmé par la vision en altitude des SkiewT_LogP. A 1513 m d’altitude (hPa 850) les θe perdent 5.5° signe d’instabilité, confirmant celle du point précédent.
Les conditions du point : au centre d’une petite dépression parfaitement dessinée, l’atmosphère s’assèche et se réchauffe. CAPE et indice de réflectivité nuls, le vent 33.5 nds, s’oriente au N/NE, et se stabilise, analyse confirmée par la vision en altitude des SkiewT_LogP, annonçant plus de 40 nds à 2000 m, 50 nds à 1500 m, 35 nds à 900 m et moins au niveau du sol. Ce sont les conditions de violentes rafales descendant de la montagne et décrites par Thierry Lebrun. à 850 hPa, l’altitude est de 1513 m et les θe perdent 5.5°. Caractéristique : les OpenWRF 4 km montrent parfaitement le dessin de la petite dépression orographique, nichée aux pieds des hauteurs, sous le vent du cap Kafirea.
Les conditions du point : au bord de la baie et au sud de la petite dépression orographique, l’atmosphère s’assèche et se réchauffe toujours. CAPE et indice de réflectivité nuls, le vent 17.1 nds, reste orienté au N/NE, et confirmé par la vision en altitude des SkiewT_LogP, identiques à celle du point 6 au centre de la dépression. Les rafales diminuent en puissance, tout en demeurant actives. A 850 hPa, l’altitude est de 1513 m et les θe perdent 5.3°.
Les conditions du point : à 6 milles au large l’atmosphère redevient plus maritime, la température, comme le point de rosée baissent un peu. CAPE et indice de réflectivité nuls, le vent 8.2 nds, s’oriente à W/NW, contournant dans un vaste mouvement le massif du cap Kafirea et ne semble plus concerné par l’effet local de forhn de Karistos, confirmé par la vision en altitude des SkiewT_LogP, identiques à celle du point 6 au centre de la dépression. Les rafales diminuent en puissance, tout en demeurant actives. A 850 hPa, l’altitude est de 1513 m et les θe perdent 5.3°.
Pfffff....
Pas facile, l’auteur de la note s’était couvert avec les prévisions des modèles proposés par des généralistes, dont aucun convergeait avec la situation ressentie en temps réel. Par sécurité, il a pris des renseignements au près d’un skipper arrivant sur Karistos, qui lui a confirmé que c’était bien plus facile au large, ce qui s’est confirmé.
Tous comptes faits, seul les gribs d’OpenWRF 4 km, permettent une analyse correcte de la situation. Mais, débusquer un risque d’effet de Foehn, nécessite un travail d’analyse considérable, et... un bon niveau d’expertise, et beaucoup de temps.
Ce qui confirme la démarche mise au point par Lysigée :
Mais encore, est-ce suffisant ??? Pas certain, au vu de l’analyse donnée ici. Il est probable que beaucoup d’entre nous, seraient restés « au bistro »... C’est l’information su skipper entrant qui a été la bonne.
Liens utiles
sy Laorana, Riposto le 15 juin 2022
[1] Les dépressions orographiques apparaissent sous le vent des barrières montagneuses. Elles peuvent donner naissance à un « effet de foehn ». En arrivant sur un obstacle, le vent produit une zone de surpression à l’avant alors qu’une zone de dépression apparaît à l’arrière. En descendant, l’air aspiré rencontre des pressions de plus en plus élevées, il se réchauffe et s’assèche, provoquant ainsi une large zone de ciel clair et des températures élevées. La présence de précipitations au vent de la montagne peut amplifier ce phénomène, mais ne saurait l’expliquer, contrairement aux idées reçues. Les dépressions orographiques les plus importantes sont observées sous le vent des grandes barrières montagneuses ayant une orientation nord-sud (montagnes rocheuses, cordillère des Andes…) et s’opposant ainsi directement aux flux d’ouest. On peut aussi mentionner la dépression qui apparaît régulièrement sous le vent des Alpes, dans le golfe de Gênes, par flux de nord-ouest. (Réf : https://www.universalis.fr/encyclop...