Pratiques et Techniques en Plaisance | Imprimer | Fermer la fenêtre
Publié Avril 2019, (màj Mai 2019) par : Collectif Salacia |
NDLR : merci à “Kerdubon” capitaine, marin, conteur et explorateur...
Cette fois-ci, je suis venu dans l’île de Malte avec ma femme. Le Boeing parti de Nice était Libyen. Il n’y eut pas d’incident majeur. Une forte odeur de pieds mêlée aux fumées de cigarettes Marlboro hors taxes, donc consommées sans modération par les passagers s’était répandue, ce qui faillit déclencher une alarme incendie en cabine. L’odeur des parfums arabiques nous gêna jusqu’au moment ou j’ai sorti ma blague à tabac et ma bouffarde, tandis que madame Kerdubon alluma un Ninas… ce qui amena des réflexions désagréables proférées par une hôtesse de l’air... cependant non voilée.
Nous étions les seuls passagers à débarquer, mais tout le monde descendit de l’avion précipitamment dans une bousculade insensée et partit avant nous vers le hall de l’aérogare, djellabas retroussées pour courir plus vite
Formalités accomplies sans problème... « Welcome » pour les touristes... on grimpa dans un taxi après avoir discuté du prix de la course jusqu’à Marsaxlokk et le véhicule cacochyme qui avait du connaître de beaux jours dans les rues de London, dans sa jeunesse, s’élança sur la route poussiéreuse. L’arrêt se fit sur le port, à deux pas du chantier des frères Trémal en pleine agitation en cette fin de matinée.
D’un geste international, le chauffeur frotta son index contre son pouce, réclamant le prix de sa course. Sans mégoter, madame Kerdubon qui tenait et serrait fortement les cordons de la bourse commune, lui remit un billet de dix mille liras, la somme convenue. Le chauffeur la regardant d’un air qu’il voulait finaud, lui montra l’index et le majeur à la façon du salut des « louveteaux ».
L’intérieur du voilier était pratiquement terminé. L’habillage des cloisons et plafonds en suédine bleu ciel, rouge brique et beige donnait une chaleur et une sorte d’intimité douillette. Le bois en acajou verni des meubles, brillait sous le soleil dispensé par le grand panneau de pont Goïot au dessus du carré, ainsi que par les hublots et la descente du cockpit.
Les mâts en inox étaient surprenants… L’échantillonnage assez faible pour les rendre plus légers, était compensé sur le grand mât, par un raidisseur vertical faisant office d’escalier pour monter aisément à sa tête couronnée d’un feu blanc de mouillage, donc visible sur tout l’horizon à 13 mètres de hauteur au dessus du pont. Un jour, dans un port Grec, des Allemands commentaient les navires amarrés.
Le moteur m’étonna encore plus :
Madame Kerdubon qui s’occupait de l’intendance, avait loué un appartement chez Maria l’épicière, à l’étage supérieur. Comme pour toutes les maisons, il y avait au dessus, une vaste terrasse où l’on accédait facilement par l’escalier interne. Cette terrasse était la plus haute du village. Madame Kerdubon et sa nouvelle copine, femme d’un gars qui participait à l’achèvement de son 12 mètres en campant à bord, pour être sûr que personne ne lui piquerait… car à présent il y avait de multiples plaintes portées par des clients floués par les frères… certaines d’être à l’abri de regards indiscrets, elles prenaient leur bain de soleil à poil et se faisaient dorer le blason sur cette terrasse. Les cloches n’en finissaient pas d’appeler les fidèles à venir participer à je ne sais quelle neuvaine.
Intriguées, lâchant une lecture certainement passionnante, elles jetèrent un coup d’œil vers le clocher juste deux rues plus loin, qui forcément dominait tout le village et la campagne avoisinante,… Les ruelles sont tellement étroites pour garder la fraîcheur l’été et la chaleur l’hiver, qu’on aurait pu croire les cloches juste à côté.
Elles constatèrent que les sacristains et leurs amis qui avaient envahi l’étage supérieur de l’édifice religieux, appréciaient leur académie et se rinçaient l’œil, muets et fascinés, les yeux écarquillés comme des soucoupes. Il faut dire que la puissance de la religion dans l’île, les privait comme des Arabes, de la contemplation de femmes nues, en dehors de leurs mégères grassouillettes comme des loukoums juteux de sucre, ou maigres comme des biques aux mamelles sèches et pendantes comme des sacoches, le peu de plages de l’île n’ayant pas attiré une clientèle nordique et impudique. Même les journaux étaient sévèrement censurés, ou carrément interdits et prohibés, lorsqu’on y voyait une femme à peine dénudée. Certains baisers langoureux, photographiés dans l’hebdomadaire « Paris-Match » provoquèrent un scandale et le renvoi en France des quelques exemplaires commandée par le distributeur habituel… c’est pour dire !
Ce qui était arrivé à son amie était incroyable. Ils habitaient au premier et dernier étage d’une maison à la limite du bled. Leurs fenêtres donnaient sur la campagne, bien au-dessus de la ferme voisine. Ils n’avaient donc pas de vis-à-vis. Un jour que le copain honorait bibliquement son épouse, deux voisins avaient grimpé sur une échelle et contemplèrent leurs ébats jusqu’à ce que le copain s’en aperçoive et fasse basculer l’échelle, ce qui aurait causé probablement un accident regrettable, si par bonheur sous leur fenêtre au dessous de l’échelle, pour amortir la chute des voyeurs, il n’y avait eu le tas de fumier attenant au poulailler.
L’histoire fit le tour du village, puisqu’un beau jour, la copine faisant ses courses chez Maria l’épicière, entendit une cliente qui bavardait avec une autre, et la désigna en disant à mi-voix, mais de façon à être bien entendue : « C’est celle qui commet le pêché sans même ôter ses chaussures ! »… ce qui avait été exact cette fois-là…. Comme on dit dans la Marine, « L’urgence prime la forme ! » et pour prendre son pied, pas besoin de se déchausser !
En guise de plage à Marsaxxlokk, un peu plus loin, vers Kalafrana, il y avait de grandes dalles plates partant du pied de la petite falaise, et s’enfonçant assez loin sous l’eau. La mer les polissait à chaque tempête. Les mères de famille y emmenaient leur progéniture se rafraîchir les après midi de grosse chaleur. Madame Kerdubon, son amie, et Rita, femme d’ingénieur Belge travaillant à la construction d’une usine de dessalement de l’eau de mer, y venaient également pour prendre leur bain.
Rita était provocante avec des formes à peine dissimulées dans un bikini des plus réduits. Des rôdeurs à l’œil particulièrement allumé, parcouraient la route située sur la falaise au dessus de cette plage aux grains de sable atteignant quelques dizaines de tonnes.
Un jour qu’elle était seule parmi la troupe de mamas aux enfants criards, un type un peu plus obsédé que les autres, osa descendre le sentier venant de la route, et se glissa silencieusement jusque derrière elle sous le regard des matrones, qui poussèrent des cris horrifiés lorsqu’il arracha le mini slip et partit en courant son trophée à la main.
Plutôt que d’intervenir puisqu’elles étaient à moins d’un mètre, les saintes femmes préférèrent mettre les mains sur les yeux de leurs garçons, leur voiler la face en quelque sorte, afin qu’ils ne puissent pêcher en apercevant la toison de la blonde et impudique de Rita…. qui en avait vu d’autres.
J’ai crée ma société dans un cabinet d’avocats spécialisés. Elle serait chargée d’exploiter le voilier dont je serais par ailleurs le Captain… désigné par les 2 actionnaires…à savoir... moi et madame Kerdubon, Le chien interdit à Malte (réglementation anglaise) étant resté en France n’en eut vent, on lui cacha qu’il n’aurait pas... d’actions ! Bien sûr, le « Beligou » immatriculé à La Valette arborerait fièrement le pavillon Maltais. Le cabinet des baveux percevrait les taxes légales de création, assumerait la domiciliation de cette société, tiendrait les registres légaux des Assemblées Générales.
C’était une bonne aubaine compte tenu des misères subies par les Gentleyachtmen de France, astreints à respecter des réglementations de plus en plus sévères et coûteuses, concernant notamment la sécurité, avec son cortège d’inspections et visites annuelles. Ici, point besoin de rien ! Chacun se gère « à l’Anglaise », c’est-à-dire en responsable civil des vies d’autrui et de la sienne, ainsi que de son propre bien, sans contrôles officiels et payants... Pas de « catégorie »… le « bombard » si vous y tenez vraiment, quant à l’immense aviron de queue aussi obligatoire qu’impossible à remiser à bord, de même que l’ancre flottante et autres pacotilles tirées des romans de Jules Verne et de la « Bibliothèque Scientifique » éditée avant la « belle époque », encore obligatoires sur un voilier arborant le Pavillon Français… totalement inutiles à Malte ! Enfin, la taxe annuelle augmentée des frais d’avocat… sera ridicule par rapport au coût annuel de « l’Acte de Francisation » n’ayez pas honte d’afficher un pavillon de... com... plaisance !
Ces explications données par le « Maître du barreau » qui délaissait les procès paysans de sa clientèle, pour quelques tunes rapidement encaissées dans le domaine maritime, se pencha comme pour me demander en confidence… le nom de ma Société
Restait une dernière formalité : le jaugeage par le service des douanes. Il eût été facile de remettre les plans du voilier au service en question, où bien de prendre les références avec les mesures calculées par le Bureau Véritas qui allait délivrer un « certificat coque et pont »… C’eût été trop simple pour des fonctionnaires ayant été à l’école Anglaise. Les Douanes Maltaises ne pouvaient avoir confiance qu’en elle-même. Aussi, envoyèrent-elles une équipe de jaugeurs équipés du matériel adéquate d’arpenteur, y compris le crayon violet qu’on doit sucer pour qu’il inscrive les données relevées sur un registre encombré par les calculs précédents.
Largeur au maître bau, creux sur quille, et d’autres mesures converties en système métrique décimal, furent correctes. Pour la longueur, bien que le décamètre des frères Frémal indique 12 mètres et des poussières, le décamètre officiel... en pieds homologué par le service de la jauge, convertis en mètres selon quelle échelle ?... donna comme un oracle, en mètres arrondis, le chiffre onze. Le Chef Jaugeur et Roro Trémal faillirent se battre à coups de… règle à calcul.
Intrépide et infatigable, madame Kerdubon chaque après-midi de baignade, laissait ses amies sur la plage aux dalles raboteuses de Kalafrana à l’ombre de l’imposant fort, pour traverser l’immense baie de Marsaxxlokk et dépenser ainsi son trop plein d’énergie. Elle avait bien remarqué que les pêcheurs entrant ou sortant du port lui faisaient des grands signes. Elle pensait que ce genre de sémaphore était une marque d’admiration ou… pourquoi pas une manifestation de leurs désirs refoulés.
Maria l’épicière lui parla de monstres dont elle ne sut et ne chercha pas à traduire le nom probablement local… Elle n’écouta point, il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre !
Un soir qu’on rentrait au bercail, on s’arrêta pour assister à l’accostage d’une grosse barque de pêcheurs. La foule des épouses, des gosses, et des autres pêcheurs déjà rendus, nous bouscula pour admirer les prises qu’ils ramenaient, des gros thons rouges pesant chacun deux ou trois dizaines de kilos. Il fallait utiliser les palans et le mâtereau de charge pour les débarquer sur une charrette. Enfin, le mâtereau hissé au plus haut par son cartahu, dévoila au public un cacharhinus commun de 4 mètres suspendu par sa queue, tandis que restaient au fond de la petite cale, cinq ou six autres requins de la même espèce, mais seulement de 2 ou 3 mètres.
J’avais passé ma matinée à cracher dans les mains de Raphaël le contremaître charpentier achevant une Xème couche de vernis sur les bois du cockpit de mon voilier délaissé pour le moment par les ouvriers du chantier, ceux-ci étant mobilisés autour d’un 14 mètres qui devait appareiller incessamment vers le salon de Hambourg… pour faire des petits, c’est à dire enregistrer et… encaisser les tiers d’autres commandes.
Sur les coups de midi, à la mise bas des marteaux, je rejoignis mon épouse chez le boucher, car nous avions décidé de manger du steak pour remplacer le poisson habituel craignant que des écailles nous poussent sur le dos.
Entrant dans la boutique, le brouhaha des conversations cessa. Tous les regards se tournèrent vers moi, tandis que l’homme au tablier blanc douteux, souillé de taches sanglantes, posant son mégot dans un cendrier débordant pour avoir une main libre, l’autre tenant une sorte de grande égoïne, me désigna une chaise à la suite des autres, non loin de ma femme.
Les ménagères une fois par semaine, passaient presque toute la matinée pour faire leurs provisions en viande dans cette boucherie, elles y tenaient salon, bien calées sur les chaises et attendaient sans impatience… Au contraire, on aurait dit qu’elles n’étaient pas pressées, elles échangeaient les derniers potins.
L’homme de l’art et son arpète clope au bec et sourire narquois, silencieux, muets comme des carpes. faisaient les beaux, en enregistrant mine de rien, ce qui d’habitude n’est qu’affaires de femmes,
Le soir au bistrot, devant quelques pintes de « Hop leaf »… la bière locale, ils se faisaient fort de l’ouvrir à la cantonade et répandaient les ragots entendus. Ainsi, tout le village et la campagne environnante, étaient au courant… de tout, même des choses les plus indiscrètes, voir secrètes !
Il y avait au fond de la boutique, derrière l’étal où officiaient les bouchers, les armoires frigorifiques ronronnantes, laissant échapper des bouffées d’air givrant. Ils en extrayaient selon le choix de leur pratique, des quartiers congelés de veau, bœuf néo-zélandais, ou mouton, d’origine australienne, ou bien encore de chèvre sicilienne, et les passaient à la scie électrique, avant d’emballer dans du journal, les gros cubes de viande réclamés. La sciure… de viande était regroupée d’un revers de main et jetée à des chats qui attendaient eux aussi, sagement bien assis sur leur postérieur. Le sang du tablier ne pouvait donc provenir que de l’exécution sommaire, de poules et lapins, ou parfois d’une bique cagneuse et hors d’âge... ce n’était pas tous les jours qu’il y avait une de ces exécutions capitales publiques.
La demande de steaks émise par madame Kerdubon étonna fortement l’assemblée. Des commentaires s’échangèrent à voix plus ou moins basse avec émission discrète de petits rires étouffés. Le boucher qui cependant n’était pas né de la dernière pluie, et instruit sans doute aussi à cause de tout ce qu’il avait pu entendre en confidence au fil des ans de la part de ces dames bien assises, n’avait cependant peut-être jamais tué un bœuf de sa vie dans cette île où il n’y avait aucune herbe pour un pâturage.
Il faillit avaler sa cibiche, et répandit la cendre sur l’étal qu’il balaya d’un revers de manche, puis fit un signe à son assistant, lui repassant ainsi…le saucisson si l’on peut dire, en prenant l’air dégagé de celui à qui on ne la fait pas !
Son apprenti certainement plus dégourdi pour avoir peut-être assisté à une ou deux séances de cinématographe dans la capitale La Vallette, saisit alors un quartier de bœuf congelé. Les conversations cessèrent à nouveau. Contrairement aux autres, ce quartier était sans os… donc pas besoin de l’égoïne. Il le posa devant la scie circulaire, fit bien attention à ses doigts, et… ddzzzzoiiiiinnnggg coupa quatre tranches assez fines qu’il emballa… l’affaire était dans le sac… bon appétit les « froggies » ! Personne n’applaudit, mais le boucher sentit que son apprenti avait pris de la graine et comme à un véritable homme, lui tendit, son paquet de cigarettes en foin. Quant à nous, on comprit lorsque le paquet fut décongelé et ressembla un peu à de la viande, qu’il valait mieux faire de nos steaks … une sorte de ragoût. Pendant ce temps d’attente, par la porte vitrée, je regardais les marins aidaeint leurs collègues à mettre une barque au sec.
A propos, puisqu’il n’y avait pas de vaches, d’où provenait le lait qui chacun sait, sert à faire des nuages sur le thé bouillant ?... De poudre Néo-zélandaise diluée à l’eau de mer désalinisée, puis mise en flacons de verre (consignés) aux laiteries Républicaines… ex Royales, de l’île. Le laitier chaque matin pouvait donc normalement déposer un ou plusieurs flacons sur le pas de la porte de ses clients dans les « trois cités » de La Vallette... tout comme à Londres.
Gindrop, l’ex héros de la « Bataille de Malte » se manifesta pour écluser en notre compagnie. Il nous présenta Arthur, une bonne relation de bar, un « very good fellow » des plus originaux, parlant un Français parfait, qui très souvent lorsque Gindrop n’était pas en ligne régulière vers la Tunisie, lui demandait d’effectuer une ballade payante, à rase-mottes autour de l’île, afin de prendre quelques marvellous pictures… full color !
L’individu était arrivé soi-disant tout droit d’Angleterre sur un voilier amarré dans la « Yacht Marina », le port de plaisance de Ta’Xbiex situé dans l’un des recoins Nord des multiples anses ceignant La Vallette et son « grand harbour ».
Il n’avait pas fait naufrage comme le Grand Saint Paul, mais comme lui venait… d’Israël. Il n’en faisait pas mystère. Il avait été chirurgien dans l’armée Israélienne et avait participé au raid libérant les otages d’Entébé.
Ecœuré par son gouvernement… selon ses dires... il s’était enfui et avait déserté pour aller en Angleterre faire son mea culpa et devenir civil, c’est-à-dire enfin à son âge, quelqu’un de civilisé.
Avec une « mini cooper » de location, il était sans cesse par monts et par vaux, comme s’il était à la recherche… on se demande bien de quoi ! Cette année je n’avais pas loué de bagnole. On profita d’Arthur pour visiter en sa compagnie l’île merveilleuse, invités de restaurant en restaurant... l’amical individu ne manquait pas de tunes. Un jour qu’on appréciait le fameux « lièvre de Zurrieq », une sorte de ragoût de lapin aux petits oignons, l’ex chirurgien resta coi, fourchette et couteau en l’air :
Malte ne bénéficiant plus des générosités de l’Angleterre qui d’ailleurs n’avait plus besoin de cet immense… porte-avions, il fallait faire rentrer de l’argent à tout prix.
De l’autre côté de la mare nostrum, il y avait l’immensément riche Libye, exportatrice de pétrole et de terroristes en tous genres.
Les autorités Maltaises... dont certains membres avaient les poches plus grandes que les poches de pétrole sises à proximité, sous la Méditerranée et sous le sable du désert Nord Africain, vendirent moyennant de généreux bakchichs... tout ce qu’ils purent à leurs frères.
Le Colonel avait un grand besoin de bases non sableuses pour ses mirages vendus par la France. Celles plus ou moins souterraines de la RAF expulsée, étaient justement libres… il y avait donc des affaires à faire pour tout le monde.
La Libye commença par faire cadeau d’hélicoptères à la République dont l’inexistante armée n’avait que faire, mais si pratiques pour les départs en week-end vers Gozo l’autre île Maltaise, la Sicile ou ailleurs, notamment en Grèce... de ministres forcément reconnaissants.
Une méga foultitude de Libyens ne se contentait plus du bar improvisé dans le hall de l’aéroport, mais parvenus et diplomates, ils louaient des villas somptueuses, ou occupaient des palaces, voir les palais des ex Chevaliers... avec femmes, enfants et larbins en conséquence, ainsi que d’autres endroits de luxe enfin débarrassés du… gratin Anglais. Très très riches, leurs femmes et eux-mêmes, en djellabas, tenues arabes ou costumes occidentaux… trois pièces de préférence, achetaient dans l’île n’importe quoi, des maisons chez les notaires, aussi bien que de la pacotille dans les boutiques, sans parler de coupons de tissus et des vêtements, souliers et sacs de cuir.
Alors que Madame Kerdubon négociait un tissu en « foutte de chiken »…je veux dire en « pied de poule »... pour recouvrir les coussins du carré du « Beligou », le vendeur servile lui laissa carrément tomber le coupon de tissu sur les pieds, pour se précipiter au devant d’un couple de Libyens qui venaient d’entrer et exigeaient à voix forte et agressive d’être servis avant la clientèle qui patiemment et résignée attendait son tour... Elle sortit écœurée en voyant le commerçant obtempérer avec un large sourire obséquieux… sous le regard méprisant de ses compatriotes outrés qui n’appréciaient pas du tout… eux non plus, d’autant plus qu’ils étaient certains que le commerçant en profiterait ensuite pour… augmenter ses tarifs. Certaines denrées, certains produits devenaient carrément hors de prix pour un revenu d’îlien normalement payé chaque mois, aux dires des commères clientes du boucher de Marsaxxlokk lors de leurs attentes.
Arriva au chantier le bel Alcindor dans une voiture de luxe, encadré de trois poules provenant du macadam Parisien. Cet Antillais noir avait gagné le gros lot au loto, il venait passer commande d’un 14 mètres en inox… excusez du peu et l’émotion de Roger Trémal qui se mit en quatre pour son hôte, le chèque du 1er tiers encaissé.
Tandis qu’ils s’expliquaient avec Roro 2, le bel Alcindor qui avait observé la scène de sa fenêtre de chambre, quitta discrètement son hôtel pour aller acheter des cigarettes… sans payer l’ardoise, laissant ses cocottes caquetantes et complètement affolées. Il fut attrapé à son arrivée à Orly et alla directement en prison…Passer de l’inox à la simple tôle, je veux dire : taule… grandeur et décadence !
Mes congés s’achevaient, je devais reprendre mon travail de Captain sur un cargo. L’armateur m’avait déjà supplié plusieurs fois de revenir.
Evidemment, je repartais furieux de n’avoir pu mettre mon voilier à l’eau, les frères attendant davantage de fric en provenance d’Allemagne, ils ne courraient plus après mon dernier tiers pour l’achever.
Le 14 mètres voguait vers un succès évident, car les frères pouvaient casser les prix du marché tant qu’ils voulaient, sachant qu’ils empocheraient l’argent et ne feraient rien du tout, sauf... se cavaler pour un nouvel endroit peinard... avec la tirelire
Il fallut toute ma patience pour empêcher Madame Kerdubon de mettre le feu aux poudres, elle aurait volontiers pendu haut et court les escrocs à la plus haute branche d’un arbre, mais à Malte il n’y avait que des arbustes et sa vengeance n’aurait pu être efficace, tout aurait été perdu... sauf l’honneur ! Une rupture totale avec les Trémal, signifiait que je n’aurais jamais fait naviguer mon « oiseau Béligou ».
Très souvent durant la nuit, cette hantise et des cauchemars troublaient mon sommeil. Il m’arrivait de rêver à haute voix. Une fois que nous avions visité un chantier de fouilles archéologiques, je m’écriai dans la nuit chaude :
Une autre nuit je rêvais d’un type vantard. J’ai carrément hurlé :
La croix de Malte était certes de plus en plus lourde à porter, même à deux, mais en réfléchissant bien, on voyait la fin du chemin de croix.
Kerdubon