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Publié Novembre 2014, (màj Novembre 2014) par : Négofol yoruk yvesD |
LES PROGRÈS DE L’ESTIME ET LA MÉCOMÉTRIE DE L’AIMANT
Présentation
On a tenté d‘améliorer le loch à nœuds, associé à un sablier : en utilisant la pression sur deux tubes dont un courbé dans le sens de la marche. La différence de hauteur d’eau donne la vitesse, par lecture des différences de pression. Bouguer, a aussi proposé un second système de loch dont la vitesse était mesurée par le choc ou impulsion de l’eau sur un corps immergé. Un jeune allemand, Wallot, amateur d’astronomie, essaya un loch à moulinet dont les tours s’enregistraient sur un cadran à bord. Le système fut abandonné, c’est pourtant le principe de nos speedomètres modernes.
Si on a su assez vite établir un lien entre les marées et le calendrier lunaire, ce ne fut que tardivement, l’Annuaire des marées date de 1839. Les courants étaient profondément méconnus au XVIIe siècle encore.
Les problèmes que posait la boussole furent l’objet de travaux plus considérables que ceux qui étaient relatifs au loch. La nature du pivot et la forme des aiguilles, mais aussi sa position sur le navire firent l’objet de recherches et de nombreuses publications. Le stade ultime de ces recherches débouchant sur la mécométrie. Guillaume de Castelfranc dit Le Nautonier, utilisant les propriétés du géomagnétisme pour tenter de définir la longitude
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Au XVIIIe siècle surtout on fit des tentatives pour améliorer les instruments de l’estime et même quelques efforts pour l’étude des courants.
Goimpy, en 1766, pour assurer la navigation côtière, signale quantité de précautions à prendre dans son emploi. Le sablier doit avoir de 29 sec. 1/3 à 29 sec. 1/2 seulement, parce que les commandements, pendant qu’on lance le loch, ne sont pas exécutés instantanément. Il veut qu’on tienne compte de la variation de longueur de la ligne à l’usage, de l’erreur de « 1/300 » provenant de ce que le touret n’est pas au niveau de l’eau, d’où formation de chainette ; de la différence à 24 heures du jour du bâtiment qui change de longitude : elle est de + 20 minutes pour un bâtiment qui fait 70 lieues à l’ouest en un jour, sur le parallèle de 45° ; qu’on ne néglige pas l’ellipticité de la terre. Enfin, il fait remarquer que le vent donne une vitesse aux eaux superficielles et que celles-ci, dès lors, entrainent le loch. Il estime cette vitesse à 1/29 de la vitesse du vent. Il n’oublie que le principal : de dire que c’est auprès des côtes qu’on trouve les courants les plus violents et les plus variables.
En 1732, l’académicien Pitot, futur directeur du canal du Languedoc, propose « une machine approuvée par l’Académie pour mesurer la vitesse des eaux et des bateaux ».
Bouguer, qui avait étudié quelques questions de navigation pendant son voyage en Amérique, avait cherché à améliorer le loch ordinaire.
On voit, par son mémoire de 1747, qu’il voulait surtout trouver un moyen de le soustraire au courant, afin de mesurer non pas la vitesse du bâtiment par rapport à la masse d’eau dans laquelle il flotte, mais sa vitesse réelle sur le fond de la mer. On croyait généralement à cette époque que les courants étaient dus uniquement aux vents et qu’ils étaient tout à fait superficiels. Le moyen de Bouguer consistait alors à construire le loch d’un flotteur de surface, de faible dimension, et ayant une flottabilité juste suffisante pour soutenir un corps à grande surface, immergé à 50 pieds (16m,20) sous lui. II pensait que ce loch ne prendrait par le flotteur superficiel qu’un cinquième de la vitesse du courant, et qu’on pourrait mesurer la vitesse de celui-ci en comparant les indications de son appareil à celles d’un loch du type ordinaire. Le capitaine anglais Phipps, dans un voyage au Spitzberg, en 1773, essaya ce système de Bouguer. Il s’en servit pendant cinq jours à l’aller et pendant treize au retour. La première fois il trouva une différence de 2’ seulement entre sa latitude estimée et sa latitude observée, la deuxième fois une différence de 31’. Il en conclut que le loch proposé lui avait donné de meilleurs résultats que le loch classique. Il faisait remarquer que le loch essayé était mieux que l’ancien à l’abri des inégalités provenant des agitations de la surface de la mer, que le frottement de la ligne sur le dévidoir avait moins d’effet sur lui, parce qu’il était plus stable dans l’eau ; mais il ajoutait qu’on ne saurait tirer aucune conclusion de ses expériences trop peu nombreuses pour comporter un jugement certain.
Bouguer a aussi proposé un second système de loch dans lequel la vitesse était mesurée par le choc ou impulsion de l’eau sur un corps immergé.
Dans le voyage de l’Enjouée, en 1768, un jeune Allemand, du nom de Wallot, amateur d’astronomie, se fit embarquer sur la corvette pour essayer un loch à moulinet dont les tours s’enregistraient sur un cadran à bord. Deux lancements eurent lieu ; mais à chacun d’eux un cylindre dans lequel tournait le moulinet fut arraché et les expériences ne purent être poursuivies. Nous usons aujourd’hui d’instruments basés sur le même principe.
Les courants, dont Bouguer essayait de s’affranchir, étaient profondément méconnus au XVIIe siècle encore. On en jugera par les quelques opinions qui suivent extraites de l’Hydrographie du P. Fournier.
Depuis Médina et Cortes d’ailleurs, on déterminait grossièrement les heures des pleines mers en ajoutant l’établissement, ou « situation » à l’heure du passage de la Lune au méridien et on cherchait cette dernière au moyen de l’âge de la Lune et des épactes. Les résultats devaient être singulièrement erronés à cause des inégalités lunaires et parce que jusqu’à Pierre Bouguer, en 1753, on se servait de l’épacte vulgaire qui augmente de 41 jours par an et non de l’épacte astronomique qui n’augmente que de 10 jours 15 heures 10 minutes. On sait d’ailleurs que la théorie des marées date vraiment de Newton, de Bernouilli et surtout de Laplace.
L’établissement, dont nous venons de parler, chose curieuse, était enfin exprimé en « aires de vent ». On supposait une rose couchée sur l’équateur de la sphère locale, le sud étant le midi, et pour partager la rose en vingt-quatre heures, on attribuait une valeur de 45 m. à chaque aire de vent puisque 45 X 32 m. : 24 h. Ainsi une marée de syzygie était dite S. W. quand elle arrivait à 3 heures de l’après-midi ; S. E. quand c’était à 9 heures du matin.
“ Rappelons que l’Annuaire des marées date de 1839.”
Revenons aux courants proprement dits. Ils furent l’objet d’un prix proposé par l’Académie, pour 1751.
Daniel Bernouilli envoya une pièce. Il ne rapportait aucun fait précis mais il faisait preuve d’imagination. Au point de vue des connaissances géographiques sur les courants, il se bornait à peu près à dire qu’ « on ne savait presque rien de la direction et de la vitesse des courants réels ». Il proposa, pour les mesurer, la machine à impulsion de Bouguer, et, à défaut de faits, il proposa des théories sur la nature et la cause des courants.
Ainsi Bernouilli s’est trompé en étudiant l’action de la rotation de la Terre. Cette rotation ne produit pas de courant ; elle dévie seulement les courants qui existent par d’autres causes. Mais son étude contient encore d’autres idées, quelquefois plus heureuses. Il admet par exemple qu’il y a des courants doubles, les eaux se mouvant en un sens à la surface et en sens opposé dans les profondeurs. Il se forme un contre-courant entre autres, lorsque le courant général d’E. en W. rencontre l’Amérique ; et ce contre-courant (notre courant de compensation) peut apparaître à la surface ; comme c’est le cas dans le golfe de Guinée. Il pense encore que les courants sont limités à 50 ou 60 toises (100 à 120 mètres) de profondeur.
Cette question des courants n’avança pas tant qu’on ne fut pas en mesure de pouvoir déterminer la longitude.
Rochon, dans ses Opuscules mathématiques, parus à Brest en 1768, proposa, pour les mesurer, d’observer des angles horaires distants de quelques heures et de se munir d’une bonne montre, capable de conserver le temps local dans l’intervalle des deux observations. On pourra ainsi, dit-il, avoir le changement exact en longitude, donc le point, au moment de la deuxième observation, rapporté au lieu du navire au moment du premier angle horaire. Mais ce procédé ne pouvait avoir aucune précision. Supposons 4 heures entre les observations des hauteurs, sur lesquelles nous n’admettrons qu’une erreur de 2’. Dans les circonstances les meilleures, l’erreur sur l’angle horaire est égale à l’erreur sur la hauteur ; soit, ici, à 8 secondes. L’erreur moyenne de la différence des angles horaires est donc de 8√2, soit de 11 secondes environ. Si la montre ne varie que de 1 minute par jour, cela fait, en 4 heures, une nouvelle erreur de 20 secondes. Au total, on a donc à craindre une erreur de 20 secondes à peu près, soit à l’équateur, de 5 milles, ce qui fait, pour 24 heures, 30 milles. Mais les courants du large restent généralement au-dessous de cette valeur ; ils font 10 milles par jour environ pour la plupart, 25 milles s’il s’agit des courants équatoriaux de l’Atlantique, d’ailleurs très différents suivant les régions ; d’où on voit que les erreurs de la méthode dépassent les valeurs de la quantité à mesurer.
Beaucoup de marins s’entêtaient du reste à nier les courants les plus probables, et dont les savants ne doutaient plus.
Dans la zone torride, dit Bouguer, les courants portent à l’ouest et font 2 ou 3 lieues (6 à 9 milles) par jour. Il a vu des pilotes qui n’y portaient pas attention. Seulement, ils se trouvaient alors trop avancés à l’atterrissage, ils accusaient leur loch ou leur sablier et ils en altéraient les valeurs. « Ils ignoraient les mouvements secrets que la mer leur communiquait. » Et comme ils revenaient par le nord de l’Atlantique, ils n’étaient pas avertis par l’erreur énorme qu’ils auraient commise s’ils avaient pris au retour la même route qu’à l’aller.
On trouve plusieurs fois, dans le journal de Suffren, des observations analogues à la suivante :
« Ayant le canot à la mer, nous avons profité du calme (ils sont entre les Mascareignes et la côte de Coromandel) pour observer la direction des courants, et nous avons trouvé qu’ils nous portaient à l’E. N. E., faisant environ 2 nœuds. » D’après l’Encyclopédie Méthodique, on rendait alors la chaloupe fixe « au moyen de quelque corps pesant qu’on faisait descendre dans l’eau, jusqu’à atteindre la région des eaux calmes ». Le loch donnait ainsi la vitesse et la direction du courant. La région des eaux calmes, d’ailleurs, était estimée très proche : c’était une idée tenace.
Dès 1495, le 29 septembre, Colomb, par calme plat, sonda à 200 brasses de profondeur sans trouver le fond ; mais, dit-il, on reconnut que les courants portaient au S. W.
Dans nos voyages hollandais, souvent cités, on voit, vers 1600, qu’on mettait « la chaloupe sur le grapin pour reconnaitre le courant ». Or on admet que la profondeur des courants de surface atteint 500 mètres. Colomb au moins allait jusqu’à 200 brasses. Quant au P. Fournier il dit que « pour connaître les mouvements secrets de la mer il y en a qui se servent d’une petite nacelle d’un pied et demi (50 cm.) de long et large de 2 ou 3 pouces (5 à 8 cm.) attachée à l’arrière en sorte qu’elle soit portée sur la trace navale que fait la quille, que s’ils voient qu’il (sic) s’en écarte cela leur fait douter ou connaitre quelle part tend la marée ».
Rochon encore raconte dans ses Opuscules qu’il essaya, mais sans plein succès, d’apprécier à la mer le courant superficiel, au moyen de deux morceaux de liège réunis par une corde de 10 brasses (16m,20) de long, dont l’un était lesté de manière à rester suspendu dans la zone des eaux tranquilles. Le loch de Bouguer lui avait donné cette idée.
On conçoit quelles erreurs pouvaient résulter de semblables interprétations. La seule manière d’apprécier le courant en haute mer consiste à comparer le point estimé du bâtiment au point observé. C’est ce que fit, en 1769, l’enseigne de vaisseau Grenier. Au moyen des observations de longitudes de Rochon, il mit nettement en relief le parallélisme des courants du nord de la mer des Indes et des moussons.
Plus tard, vers 1780, Chabert, dans l’Atlantique nord, observa des longitudes, afin de déterminer les courants. Il trouva entre autres que, de l’entrée sud du canal de Bahama jusqu’à la latitude de 30°, la vitesse du Gulf Stream allait de 3 à 3,5 milles à l’heure. D’ailleurs à la fin du siècle les principaux courants intertropicaux et ceux qui sont parallèles aux côtes : Guinée, Pérou, Mozambique, commençaient à être bien connus. Mais nulle question ne fut longtemps plus confuse.
Les problèmes que posait la boussole furent l’objet de travaux plus considérables que ceux qui étaient relatifs au loch .
L’Académie avait proposé l’aimant comme sujet de prix en 1744 ; et ce prix, qui fut remis à 1746, fut l’objet de quatre études dues à l’écuyer du Tour, Euler, Daniel et Jean Bernouilli. Il n’y est pas, à proprement parler, question de boussole marine. Les auteurs s’occupent presque exclusivement du magnétisme terrestre en général, et surtout de son explication et des propriétés de l’aimant. Les passages qui suivent donnent une idée des théories alors à la mode.
L’Académie, après la réussite des horloges de Le Roy et Berthoud, choisit de nouveau pour sujet du prix de 1777 les boussoles de déclinaison et les lois de leurs variations. Le prix fut partagé entre Van Swinden, professeur de philosophie à Franeker, en Frise, et Coulomb, capitaine au corps royal du génie.
On s’occupait aussi d’améliorer les procédés employés pour observer la variation à la mer. Le prix de 1731, pour « observer la déclinaison en mer », fut décerné à
L’Académie de Marine ne restait pas inactive et elle obtenait des résultats. En 1772, elle demanda que les compas soient faits sur les modèles qu’elle proposait. En 1773, elle prit la résolution d’écrire au ministre pour obtenir la direction et la surveillance de la construction des boussoles. Les aiguilles, à ce moment, étaient encore faites hors du port, par un coutelier ; les autres pièces n’importe où. L’autorisation fut accordée et l’atelier de cadrannerie se trouva dès lors installé à Brest, sous le contrôle direct de l’Académie. En 1777, un secrétaire, Marguerie, était chargé de l’atelier.
Ces questions n’intéressaient pas seulement l’estime. Elles étaient directement reliées à un procédé de la détermination de la longitude, sur lequel, pendant près de deux siècles, on a fondé de sérieuses espérances. La déclinaison ayant, un instant donné, une valeur déterminée en chaque lieu de la Terre, son observation permettrait, pensait-on, de situer le navire sur une des lignes joignant tous les lieux d’égale déclinaison, c’est-à-dire sur un méridien magnétique ; par suite de fixer sa longitude par l’observation simultanée d’une latitude. Ainsi on songea à se servir de la déclinaison et de sa variation dans l’espace qui, cependant, avaient été, au moment de leur découverte, un scandale pour l’esprit, car « ces nouveautés avaient révolté les philosophes, dont elles avaient dérangé trop les idées » ; et ils les avaient niées fièrement. Nous avons vu les origines de la méthode. Elle fut l’objet de travaux poursuivis dans toutes les nations maritimes ou qui s’intéressaient à la mer. En Espagne, un des buts du voyage de Gali dans les mers du sud, en 1582, était d’observer les déclinaisons magnétiques. De même Don Pedro de Sarmiento de Gamba multiplia de telles observations dans les mêmes parages et Diego Ramirez de Arellano construisit une carte des variations de l’aiguille en 1618 et 1619 à l’occasion de la relation d’un voyage à la reconnaissance du détroit de Magellan. Enfin une nouvelle cartes des variations de l’aiguille dans toutes les mers et contrées connues du globe fut publiée en 1688 par Francisco de Seijas y Lobera. Il faut du reste observer que ces cartes, supposant la connaissance des longitudes, étaient en conséquence très imparfaites ; mais elles permettaient de déterminer un lieu. En Angleterre, en 1577, un traité de W. Bourne insiste sur la méthode et demande qu’on tienne compte de toutes les observations qui pourront en permettre l’application. En 1581, le navigateur Norman, dans un petit ouvrage intitulé : The New Attractive, ramenait le pôle magnétique du ciel, où beaucoup le plaçaient, sur la Terre, à l’exemple du célèbre Fracastor de Vérone et du Suédois Olaus Magnus qui racontait, à Rome, avoir vu dans le Nord (comme Simbad le marin) des montagnes de fer magnétique dans le voisinage desquelles les clous de fer des navires étaient arrachés des planches de la construction. Cet ouvrage de Norman contient en outre une table des déclinaisons alors connues, due à un célèbre navigateur du nom de William Burrough, qui chercha même à exprimer la déclinaison par une formule. En Italie enfin Porta, en 1589, proposait, pour la découverte des longitudes, une boussole de 10 pieds de diamètre ; et en 1688, Livio Sanuto, géographe vénitien, avait situé le pôle magnétique, d’après les découvertes de Cabot, par 67° de latitude et 36° de longitude à l’W. de Tolède : « miracoloso stupendo », ajoutait-il.
En France, en 1603, Guillaume le Nautonier, sieur de Castelfranc-sur-Lot, en Languedoc, dédia à Henri IV un énorme ouvrage intitulé « La Mécométrie de l’Eymant ou l’art de trouver la longitude par la déclinaison de l’Eymant ».
Il y annonce que « l’eymant sert à la situation des horloges solaires, à représenter le plan des villes et des forteresses, décrire le royaume, conduire les acqueducs sous terre, creuser les mines de guerre et celles des métaux, braquer les pièces d’artillerie et frapper de nuit très obscure. Mais, entre tous, reluit comme un soleil au milieu des autres flambeaux célestes, de montrer le chemin qu’on à tenir au milieu de la mer ».
On conçoit que le sieur de Castelfranc ne fut pas difficile à réfuter. Il suffisait de quelques observations. C’est ce que fit avec violence, en 1611, Dounod, de Bar-le-Duc, qui malmena durement le Nautonnier « à qui le silence des gens doctes avait fait espérer l’immortalité pour son livre qu’il se préparait à tourner en latin, afin de lui donner une plus grande étendue ».
Au début du XVIIe siècle, l’Espagne eut aussi son Castelfranc en Manuel de Figuereido qui avait construit un système analogue à celui du Languedocien. Il comprenait quatre méridiens de variation nulle entre chacun desquels l’aiguille déclinait jusqu’à 22°5. Et il tenait peut-être l’idée de ces quatre méridiens de ce pilote portugais qui aurait appris leur existence en 1589 au Père Acosta.
A la fin du XVIIe siècle, la question fut reprise par Halley sur une vaste échelle expérimentale. Cet astronome avait fait beaucoup d’observations magnétiques au cours de voyages dans l’Atlantique, entrepris dans ce but de 1698 à 1700 ; il était passé à Madère, aux Canaries et aux iles du Cap Vert, à Rio de Janeiro, d’où il était descendu jusque vers le parallèle de 53° sud avant de remonter à Tristan d’Acunha ; puis à Sainte-Hélène, à la Trinité, au cap Saint-Roch, aux Petites Antilles, enfin aux Bermudes et à Terre-Neuve. A la suite de cette circumnavigation, il publia une carte sur laquelle étaient tracés les méridiens magnétiques pour l’année 1700. On y voit une ligne sans déclinaison, « courbe assez régulière » qui, d’abord dirigée à peu près suivant un méridien terrestre dans les parages de l’ile Bouvet, s’infléchit fortement dans le nord de l’équateur, passe aux Bermudes et atteint l’Amérique un peu au nord de Charleston. Il avait remarqué, et on parut attacher une grande importance à ce fait que, d’un coté à l’autre de cette ligne, la déclinaison changeait de sens. Peut-être ne s’avancerait-on pas beaucoup (c’est une impression que nous avons eue en lisant les mémoires de l’époque) en disant qu’on pensa alors être au seuil d’une grande découverte : celle de la loi de la distribution du magnétisme terrestre. La loi de la gravitation, qui venait d’être révélée pouvait contribuer à entretenir ces illusions. Et après tout, la détermination de la longitude par les observations de la Lune n’était guère plus avancée, en 1700, que la mécométrie de l’aimant. Même, celle-ci était susceptible, en certaines régions, de plus de précision que celle-là ; puisque Halley avait trouvé que, parfois, la déclinaison variait de 1° pour une distance de 15 lieues ou 45 milles, et puisque, dans les parages de l’Afrique du sud, vers Bourbon ou l’ile Bouvet, elle variait d’un peu plus de 1° par degré de longitude.
A la mécométrie comme aux méthodes lunaires il fallait deux choses qui leur manquaient également : une théorie permettant la prédiction et un instrument de mesure. Et il n’était pas évident, à l’époque dont nous nous occupons, que c’était par le moyen de la Lune que le mystère des longitudes devait être « prouvé ».
Pound et Cunningham avaient observé, en même temps qu’Halley, dans l’Atlantique et l’Océan Indien. Le P. Feuillée, quelques années plus tard, fit également de nombreuses observations du Pérou en Europe. En 1710, Delisle, qui réunit 8 à 10.000 observations de déclinaison remontant à 1534, trouva une seconde ligne où la déclinaison était nulle. Elle était située dans l’Océan Indien et se distinguait de celle de Halley en ce que la déclinaison était de même sens de part et d’autre. Mais il est plus que probable que cette observation se rapportait à une étroite lentille enveloppée par la ligne de déclinaison nulle, comme on en voit une de nos jours dans le nord de la Chine. Il pensait que la ligne zéro de Halley, qui coupait les Bermudes en 1700, était la même que celle qui, en 1600, passait par le cap des Aiguilles, au sud-est du cap de Bonne-Espérance, observation qui avait fait donner son nom à ce cap célèbre.
Mountain et Dodson, de la Société Royale de Londres, refirent la carte de Halley, pour 1744 et 1756. Bouguer, dans son Traité de Navigation de 1753, réunit les deux cartes de 1700 et de 1744, pour permettre de lire graphiquement les déplacements des lignes d’égale déclinaison. On y voit qu’en 1700 la ligne de déclinaison zéro coupait le tropique du Capricorne par 10° environ de longitude est, tandis qu’en 1744 elle le coupait par 0°. A cette vitesse elle devait effectivement passer par les Aiguilles en 1600. Bellin, en 1764, joignit la carte de Mountain et Dodson à son Petit Atlas Maritime, en accompagnant toutefois les instructions qui y étaient relatives de la grosse inexactitude consistant à dire que, pour passer des déclinaisons de 1756 à celles de 1765, il suffisait d’ajouter indifféremment 1°5 aux premières. Lemonnier écrivit, en 1776, à l’usage des marins, un petit livre sur les Loix du Magnétisme, ou il critiquait l’hypothèse des quatre pôles magnétiques : deux fixes et deux mobiles, qu’Halley avait formulée, et où on trouve qu’on cherchait alors à séparer les régions terrestres où la déclinaison est NE, de celles où elle est NW, par une ligne unique de déclinaison zéro, traçant sur la surface du globe un contour sinueux et compliqué.
La découverte de la variation de la déclinaison dans un même lieu avec le temps faite par Gellibrand, professeur d’astronomie à Londres en 1635, sur la comparaison d’observations de Burrough et Gunter aux siennes propres, jeta un instant un nouvel émoi parmi les partisans de la méthode, comme avait fait, relativement à l’usage de la boussole, la découverte de la déclinaison et de sa variation dans l’espace. Bond intervint pour les rassurer, prétendant en 1650 dans son Seaman’s Kalendar qu’il avait découvert une formule donnant à l’avance les valeurs de la déclinaison en un lieu. Mais bientôt sa formule ne se montra qu’approchée même pour Londres et à son ouvrage The Longitude found, qui est de 1676, répliqua, dès 1678, un autre ouvrage The Longitude not found, ou Beckborrow n’eut pas de peine à le réfuter.
Enfin Buffon, dans le tome V de son Histoire des Minéraux, paru en 1788, revenait avec insistance sur la mécométrie. Il y disait à peu près ce qui suit : « L’inclinaison est plus régulière et plus constante que la déclinaison. On peut donc espérer que l’art de la navigation tirera des observations de l’inclinaison autant et plus d’utilité que de tous les moyens astronomiques et mécaniques employés jusqu’à ce jour à la recherche des longitudes. » Il dresse 362 pages de tables de déclinaisons et d’inclinaisons. Et, pour la commodité des navigateurs, il les établit de deux manières :
[1] La table répond à la formule : v2 = 2 x 9,05 h ; v et h étant des mètres…