Pratiques et Techniques en Plaisance
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NDLR merci à “Kerdubon” capitaine, marin, conteur et explorateur...
Le « Ravenscrag » un navire britannique arriva aux îles Sandwich (Hawaï) en 1879, après un voyage de cent vingt-trois jours depuis Madère. il apportait quatre cent vingt-huit coupeurs de canne à sucre en provenance de Madère. Poussés par la misère comme leurs compagnons de voyage, trois d’entre eux luthiers de profession débarquèrent avec leur cavaquinhos, une mini-guitare à quatre cordes.
Les indigènes peu doués pour tailler la canne à sucre, l’étaient pour celle du bois. Musiciens dans leurs racines, ils ne furent pas long à imiter l’instrument portugais pour en faire l’ukulélé qui se répandit dans toute la Polynésie. Les voyages d’une île à l’autre, d’un archipel à un autre sur de grandes pirogues se pratiquaient encore, avec des échanges nombreux. La musique, le chant et la danse a toujours été l’occupation préférée des Polynésiens, depuis qu’ils n’avaient plus de combats tribaux...
Les Tahitiens l’appellent souvent “uakaréré”, car les “Rérés” (Homos) efféminés sont les plus doués pour jouer de cet instrument aux dires de certains... peut-être jaloux. Par contre nos amis des îles Marquises notamment à Ua Pou fabriquaient beaucoup d’ukulélés pour que la goélette de passage les vende à Tahiti. Taillés carrément dans une pièce de bois sans collages ils étaient de forme moderne avec des cordes en fil de pêche. Ils étaient finement gravés avec des baleines de parapluies en guise de fins ciseaux à bois. La tension des cordes étant suffisante, le manche n’était pas collé non plus.
Tout tamouré où chant était accompagné d’ukulélés car à Ua pou, à part nos amis instituteurs qui étaient venus de France avec leur instrument, peu de Marquisiens possédaient une guitare. Ils n’en fabriquaient pas et leur prix d’importation... exorbitant.
Ce Tahitien avait été baptisé “trompe-l’œil” sur notre goélette « Manuia », parce qu’en le voyant de profil, son œil globuleux semblait, tel celui du cyclope, surmonter une trompe considérable en guise de nez. Notre matelot était un peu une sorte d’« éléphant man », évidemment sans être aussi horrible que celui du cinéma, il ne faudrait tout de même pas exagérer !
A cause de son blair monumental, il fallait que les charmantes vahinés aient une sacrée cuite pour aller « jouer » avec lui, les soirs de bringue. Dans la journée c’était exclu, car en le regardant, elles riaient comme des folles, ce qui le mettait dans des rages noires. Il était fort comme un bœuf, taillé en athlète ignorant la peur, vous imaginerez ce qu’elles auraient pu craindre, s’il n’avait pas été brave et bon.par nature.
La « Manuia » au mouillage en fin d’escale dans cette magnifique baie d’une des îles des Marquises, recevait ses amis ou amies pour cette dernière soirée..L’anse était abritée de l’alizé qui secouait les filaos du sommet de la montagne proche et le filet de fumée indiquant les foyers, montait droit dans le ciel.
Nous étions également à l’abri des grains, les nuages chargés étant accrochés, se déchiraient sur les montagnes plus lointaines en forme de tours ou de clochers, dominant une végétation dense, d’un vert allant du clair à la couleur wagon.
Les fleurs que les femmes avaient apportées embaumaient au point d’estomper l’odeur du tiaré qu’elles avaient mis sur une oreille, signe évident pour dire que… leurs cœurs étaient à prendre.
Les marins saisirent leurs ukulélés et s’élevèrent dans airs les notes aigrelettes des instruments grattés de façon frénétique. Trompe-l’oeil l’un de nos matelots nous exécuta un solo tel que des dizaines d’années après, j’ai encore les vibrations non plus dans mes oreilles mais dans l’âme et le cœur !
Lorsqu’il fallait partir vers l’escale suivante, l’odeur des fleurs déjà fanées laissait place aux odeurs salées venues du large. Les filles fleurs partaient mélancoliquement retrouver leur virginité. Il y avait toujours dans l’entrepont, un matelot plus pincé au fond de son être pour chanter à mi-voix en grattant doucement son ukulélé :
[1] « Je suis Fiu » est une expression souvent entendue en Polynésie Française, difficile à traduire simplement, il exprime une sorte de lassitude, qui pourrait se traduire approximativement par « Farniente ». Surtout il justifie l’arrêt immédiat de toute activité, voire le manquement à une promesse de rendez-vous. C’est une sorte de sentiment d’abandon général, parfois dû à une bringue (une fête) de la veille, ou parfois également sans aucune raison particulière. Dès lors, il n’est pas rare qu’un employé ne vienne pas au travail une journée parce qu’il se sentait « fiu »…
http://www.tahitiguide.com/@fr/5-26...
[2] Un fare ou faré est une habitation polynésienne traditionnelle. À l’origine, fare est le terme tahitien pour désigner une maison
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fare_...)
[3] une sorte de fatalisme souriant devant les événements contraires, qui se traduit par l’expression « AITA PEA PEA » (ça n’a pas d’importance)
http://www.tahiti.free.fr/pages/cou...