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Pratiques et Techniques de la Plaisance

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Accueil du site > Articles > Traditions et cultures > F Marguet hist. navigation > Chap 6.3 : Les voyages d’épreuves.

Rubrique : F Marguet hist. navigation

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Chap 6.3 : Les voyages d’épreuves.Version imprimable de cet article Version imprimable

Publié Novembre 2014, (màj Décembre 2014) par : Négofol    yoruk    yvesD   

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LES HORLOGES MARINES III. – Les voyages d’épreuves.

Présentation

  • Stimulés par les prix promis pour la mise au point d’horloges de longitude, des artistes talentueux créèrent des outils d’aide à la détermination de la longitude du bateau à un moment donné
    .
    Artistes, car « hommes de l’art ». Il fallait tester en mer leurs réalisations théoriques. Du mois de mai 1767 au mois d’octobre 1772, en cinq ans et demi, on entreprit quatre voyages.
    Ordonnés et contrôlés par des commandants de vaisseau rompus aux sciences et aux techniques de la navigation, assistés de sommités scientifiques, ces quatre voyages permirent de tester et de valider ces recherches
    Au final, Berthoud et Le Roy se partageront les lauriers, malheureusement au prix d’une querelle féroce.

Pour lire ce dossier, dans sa version initiale (mise en page de 1931), télécharger le PDF de ce chapitre à ce lien

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Du mois de mai 1767 au mois d’octobre 1772, en cinq ans et demi,

  • il y eut quatre voyages entrepris la vérification des montres. En même temps que celle de Le Roy, d’autres montres, de Romilly, de Tavernier, etc., avaient été présentées pour le prix de 1767. Berthoud, n’étant pas prêt, ne concourut pas. Celle de Le Roy « dont les principes étaient exacts, lumineux, suffisants  », fixa l’attention. Elle ne se dérangea pas sensiblement à terre.
  • Mais allait-on décerner le prix ?
    Ne fallait-il pas, avant de se prononcer d’une manière définitive, l’observer à la mer ? Sur ces réflexions, l’Académie se détermina à remettre le prix à 1769, en le doublant, et elle délibéra sur les moyens à prendre pour éprouver cette montre et les autres machines présentes pour la longitude à bord d’un navire.

On n’osait demander un bâtiment au ministre de la Marine parce que le peu de succès obtenu jusque alors avait fait regarder le problème comme très difficile et peut-être impossible, et aussi parce qu’il avait été l’occasion de projets absurdes. N’avait-on pas vu, dit Courtanvaux, Whiston et Ditton proposer très gravement de fixer au large, de 200 en 200 lieues, des vaisseaux qui lanceraient chacun à minuit une bombe explosant à une hauteur de 6.440 pieds ?

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Première épreuve par Courtanvaux sur l’Aurore.

Soudain, toutes les difficultés furent levées

  • Le marquis de Courtanvaux, capitaine-colonel des Cent-Suisses de la garde ordinaire du Corps du Roi, amateur passionne d’astronomie et membre de l’Académie des Sciences depuis 1764, offrit de se charger de tous les frais de l’expédition.
    Il proposa un voyage dans la Manche et la mer du Nord avec des relâches nombreuses. Son projet fut accepté par l’Académie qui, sur sa demande, chargea Pingré de suivre les épreuves et agréa le choix particulier de Messier que Courtanvaux demanda à emmener, à titre d’ami.
    Sa Majesté, « attentive à ce qui peut contribuer aux progrès des sciences et à ce qui regarde le bien de l’humanité, prit l’expédition sous sa protection ».
  • Courtanvaux voulant un navire approprié et à faible tirant d’eau pour pouvoir aller partout, pria Ozanne, l’ainé d’une célèbre famille d’ingénieurs et de dessinateurs de la marine, de se charger de la construction d’une corvette.
    Elle fut mise en chantier au Havre et on l’appela l’Aurore. Ozanne se surpassa en faisant construire un petit bâtiment de 66 pieds (21m,50) de long, très élégant et très manœuvrier, et, en même temps, luxueux et confortable. Il était armé de six canons et avait 24 hommes d’équipage.
    Le Roy et Ozanne sont du voyage. Ils attendent au Havre Courtanvaux, Pingre et Messier qui quittent Paris le 12 mai 1767. L’expédition était très populaire. A leur arrivée au Havre, ils trouvent toute la ville sur leur passage. Quant au premier contact avec la corvette, il fut charmant : « quatre canotiers habillés de ma livrée, dit Courtanvaux, vinrent au-devant de nous dans un canot magnifiquement doré ». A bord ils furent surpris de l’art avec lequel la dorure et les ornements avaient été aménagés, de la délicatesse des peintures et de l’élégance des meubles.
    Ce fut un très joli voyage. Courtanvaux traita ses hôtes en grand seigneur. Ils visitèrent en détail la Hollande et les environs des ports de relâche.
  • On quitta Le Havre le 25 mai, à 7 h. 3/4 du matin, pour Calais, où on arriva le 26,
    à 11 heures. Ils s’y installèrent à l’hôtel d’Angleterre où ils reçurent la visite d’un grand nombre de personnes, surtout d’ingénieurs, dont quelques-uns les aidèrent dans leurs opérations. Une gazette anglaise y répandit le bruit que leur dessein était de faire de l’espionnage sur les côtes d’Angleterre, de Hollande et d’Allemagne. 6 juin, on partait pour Dunkerque.
    Le but de leur voyage était connu, mais assez vaguement, ainsi que le prouve l’anecdote suivante. Il y avait dans la ville un prêtre qui passait pour un prodige et en avait imposé à la populace. Il prétendait qu’il avait pénétré la vraie méthode pour déterminer la longitude à la mer ; et ils furent obliges de l’écouter. Jusque-là, leur dit-il, “la basse jalousie des officiers de marine l’avait empêché d’être récompensé de ses talents”. Il ajouta enfin, avec beaucoup de confiance, qu’après avoir mûrement réfléchi, il avait reconnu que la méthode la plus sûre pour avoir la longitude en mer était une montre parfaitement exacte. On en convint avec lui.

La relâche suivante fut Rotterdam, ou l’Aurore arriva le 21 juin. Courtanvaux y quitta la frégate, pour se rendre par les canaux à Amsterdam, où il devait être rejoint par le petit navire qui continua sa route par le Tesel et le Zuyderzée.
Il y arriva le 11 juillet seulement, après avoir été retenu pendant plusieurs jours à La Brille, par des vents contraires. Pingré et Le Roy étaient restés à bord.

  • Le retour commença le 21.
    Sauf Ozanne, les autres voyageurs allèrent par terre d’Amsterdam au Helder, où on essuya un gros coup de vent. Le 6 août, ils sont à Boulogne.
    Le Roy y ouvrit une de ses montres à l’évêché, en présence de l’évêque et des membres de la Commission. Ils en repartent enfin le 27 août et sont de nouveau au Havre le 28.
    Le 30, à la fin des opérations, Le Roy ouvrit les deux montres et en expliqua le mécanisme. On remarqua que les thermomètres n’étaient pas dérangés.

Entre Delft et La Haye, Courtanvaux, Ozanne et Messier avaient aperçu sur le chemin un gros chien qui avait quelque chose de singulier. On leur dit que c’était le produit d’un ours et d’une chienne, « ce dont on ne pouvait douter, puisqu’il était né à la suite d’un voyage de long-cours, sur un vaisseau sur lequel il n’y avait autre animal que la chienne et l’ours ».
Il ne faudrait pas juger par cette observation de la valeur scientifique du voyage.
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On y travailla très sérieusement
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  • La présence de Pingré et de Messier suffit à le garantir.
    Nous retrouverons d’ailleurs Pingré plus d’une fois. Né en 1711, il entra dans les ordres, devint Génovéfain de Senlis, et commença par être professeur de théologie ; mais ayant été persécuté dans les querelles du jansénisme, il dut abandonner sa chaire. C’est à ce moment qu’un ami de Rouen, de l’Académie de cette ville, fit de lui un astronome. Il avait déjà 58 ans. Plus tard, enfin, il devint bibliothécaire de l’abbaye de Sainte-Geneviève, au haut de laquelle l’Académie des Sciences lui fit bâtir un petit observatoire.
  • Pour trouver les corrections et la marche des montres, les astronomes de l’Aurore avaient à déterminer ou vérifier les coordonnées géographiques de leurs relâches.
    Ils avaient, pour cela, un véritable matériel d’observatoire composé d’une pendule de Berthoud, de deux quarts de cercle de Langlois, de 2,5 pieds (0m,81) de rayon, d’un instrument des passages de Canivet, avec lunette achromatique de 3’5 pieds (1m,13), de deux autres lunettes de 3 et 5 pieds, la première achromatique, à flint et crown glass ; d’un octant d’Hadley pour prendre des hauteurs en mer, etc...
  • En chaque point ou ils stationnent, ils installent un observatoire à terre. Ils en déterminent les latitudes par des hauteurs méridiennes, par 15 observations à Calais, par exemple. Pour les longitudes, ils font des observations variées : Lune et étoiles de culmination, par exemple Lune et Antarès à Dunkerque ; éclipses des satellites de Jupiter :
    émersion à Calais. le 1er juin,
    à Dunkerque, le 8 ;
    hauteurs de Lune les 21, 22, 23 juillet, à Amsterdam ; observations dont ils trouvent à leur retour les correspondantes, soit dans les observations lunaires que Lemonnier faisait à son observatoire de la cour des Capucins, rue Saint-honoré, soit dans celles de Maraldi pour les satellites.
    A Amsterdam, le 15 juillet, ils manquent, par suite du mauvais temps, une occultation de λ Poissons.
    Enfin ils combinent leurs résultats avec les données antérieures.
  • Quant à l’heure locale, ils la déterminaient invariablement par des hauteurs correspondantes observées au quart de cercle.
    Le 15 mai, au Havre, ils en prennent 33 le matin et autant le soir.
    Ils recommencent le 18, le 19 et le 24
    et ils font de même partout.
  • Le Roy était parti de Paris le 1er mai avec ses montres A et S. La première avait déjà été transportée par terre et en rivière, par les soins de l’Académie.
    Malheureusement, dans le voyage au Havre, il lui arriva un accident. Le fil de clavecin auquel était suspendu le balancier se cassa. Le Roy le remplaça tant bien que mal, car il n’en avait pas de rechange.
    Le 15 mai il la remit entre les mains des commissaires, à leur observatoire du Havre, qui avait été installé à la tête du bassin. Il garda la montre S qu’il ne devait soumettre à l’examen officiel que plus tard, le 5 juillet, à la Brille, parce qu’il jugeait qu’il ne l’avait pas suffisamment étudiée.
    On embarqua tous les instruments le 20 mai seulement. A bord, les montres furent toujours placées à l’arrière, dans un endroit très mouvemente. La boite qui les enfermait avait deux serrures ; une clef était entre les mains de Le Roy, l’autre dans celles de Courtanvaux.
    Tous les jours, celui-ci, Pingré et Messier dressaient et signaient un procès-verbal sur lequel était marquée l’heure du remontage. On y ajoutait, quand on était à terre, celle de la pendule à midi vrai et la comparaison de la pendule et de la montre.

Marche, erreurs géographiques et d’atterrissage

Aujourd’hui, nous touchons le moins possible aux montres embarquées à bord. Quand on les embarque, on choisit un jour de beau temps, et jamais on ne les transporte à terre. Les montres de Le Roy furent, au contraire, soumises, à ce point de vue, à un régime extraordinaire. Dans chaque relâche, on les portait à l’observatoire.

  • A Dunkerque, le 7 juin, on les mit en canot par coup de vent. On touchait enfin aux aiguilles, puisqu’a la remise de la montre n° 2, elle fut mise à la même heure que la première. Il est vrai que dans la deuxième partie de la campagne, c’est-a-dire après Rotterdam, on prit plus de précautions. Il est commode de représenter graphiquement, de la manière suivante, les variations de la marche.

Portons en abscisses (fig., 35) les temps, en prenant pour unité le jour ; en ordonnées les marches, évaluées en secondes et supposées déterminées chaque jour. Soit ABCDE la courbe obtenue. Supposons que Aa soit la marche au départ. Pour déterminer la longitude le jour d on admettra que la marche soit restée égale à Aa pendant la traversée ad, ce qui est nécessairement le cas à la mer, l’erreur sur la longitude, en secondes de temps, sera mesurée par l’aire ABCDD’, AD’ étant parallèle à ad. C’est l’erreur à l’atterrissage. Mais si on veut déterminer la différence des longitudes des lieux a et d, on prendra (du moins c’est ce qui a été fait dans tous les voyages dont nous parlerons) pour marche dans l’intervalle ad, la moyenne 1/2 (Aa + Dd). L’erreur sur la différence des longitudes des deux lieux considérés sera alors égale à l’aire GBCDH, diminuée de l’aire AFG, H étant le milieu de DD’ ; ou bien à l’aire équivalente ABCD. C’est ce qu’on a appelé l’erreur géographique.
D’ou on voit que l’erreur à l’atterrissage est égale à l’erreur géographique, à laquelle on ajoute l’aire du triangle ADD’. Par suite, si cette aire est négative, l’erreur à l’atterrissage sera plus petite que l’erreur géographique et il eut mieux valu calculer la différence en longitude cherchée avec la marche de départ, plutôt qu’avec la moyenne entre les marches de départ et d’arrivée. C’est ce qui est arrivé effectivement dans quelques cas. Par exemple, dans la figure 36 l’erreur à l’atterrissage est nulle si les aires ABC, CED sont équivalentes, tandis que l’erreur géographique est égale à l’aire ABCD.
  • Enfin si les marches, au lieu d’être observées chaque jour, ne sont déterminées que de temps en temps, la ligne brisée qui tiendra alors lieu de la courbe réelle des marches ne permettra de représenter qu’imparfaitement les erreurs en question.

Première épreuve, observations et conclusions

  • | | Le graphique ci-après représente les courbes des marches [1] des montres A et S pendant le voyage de l’Aurore. Ces courbes illustrent les conclusions de Pingré qui a mis en ordre le journal du voyage [2]
    On y voit que la première montre a reçu des degrés successifs d’accélération du Havre à Amsterdam. Au Havre, elle avançait, eu effet, de 27s 1/3 par jour, tandis qu’à Amsterdam, son avance était de 37 s 1/8, soit de 10s plus grande environ. L’erreur à l’atterrissage, du 24 mai au l5 juillet, en 52 jours, eût ainsi été de 4m52s, ou de 70’, quantité beaucoup moindre que les erreurs ordinaires de l’estime dans la même durée, mais trop grande encore.
    Après Amsterdam, d’ailleurs, cette montre à été beaucoup plus régulière, puisque du 20 juillet à l’arrivée au Havre, en 40 jours, avec une marche de 37s1/8, l’erreur à l’atterrissage eut été de 51s seulement, soit de 4,25 lieues on de 12,75 milles à l’équateur. Les variations du mouvement moyen ont oscillé alors entre ls et 1s,5. Le Roy attribua une partie des anomalies de la première période à l’accident arrive sur la route du Havre, ce qui est parfaitement vraisemblable. Et plus tard, en 1774, alors qu’il était attaqué par Berthoud, il fit remarquer aussi que les transports à terre avaient sans doute produit des anomalies. Il évalua celle qui fut due, d’après lui, au transport de Dunkerque, à 58s qu’il faudrait retrancher des 4m42s pour juger correctement de la valeur de la montre. Il faisait observer que dans la seconde période, les transports ont été moins brutaux et la régularité beaucoup plus grande. Quant à la deuxième montre, sa régularité a été remarquable.

L’erreur à l’atterrissage au Havre, déduite de la marche d’Amsterdam, n’aurait été que de 15s,5, c’est-à-dire de 1,3 lieue ou 4’ à 1’équateur, en 40 jours. Il est regrettable, toutefois, que l’épreuve de cet instrument n’ait pas duré plus longtemps. Ajoutons que les longitudes qu’ils ont adoptées pour les relâches sont suffisamment exactes pour ne pas infirmer ces résultats. Ils out pris 8m56s pour celle du Havre ; 1m57s à Calais, 10m6s Amsterdam et la Connaissance des Temps donnait récemment pour ces mêmes lieux, 8m55s, 1m56s et 10m12s. Quant aux services que les montres leur rendirent en mer, ils furent peu de chose, les traversées au large étant trop courtes. Au retour de Hollande, ils atterrirent correctement sur Boulogne par leur moyen.

Deuxième épreuve, observations et conclusions .

  • Le voyage de Courtanvaux pouvait être considéré comme insuffisant. Il n’avait pas assez duré et son caractère n’était pas tout à fait officiel. Mais il était démontré que les montres de Le Roy valaient un sérieux examen. C’est pourquoi, dès l’année suivante, en 1768, Tronjoly reçut l’ordre d’armer la frégate l’Enjouée, de 28 canons, pour recommencer, sur des bases plus sérieuses, l’examen du voyage de 1767. Cette fois les épreuves étaient entreprises par ordre du roi, et, pour leur donner l’ampleur nécessaire, on décida de transporter les montres dans des parages à climats très différents, afin de voir comment elles se comporteraient par la chaleur et par le froid, l’humidité et la sécheresse. Cassini le fils fut charge des opérations astronomiques. Verdun de la Créne, qui devait, trois ans plus tard, commander une dernière expédition analogue, plus importante encore, faisait partie de l’état-major du bâtiment. Le voyage dura cinq mois, mais avec un trop petit nombre de relâches. On partit encore du Havre, le 13 juin, pour Saint-Pierre, prés Terre-Neuve. où on arriva le 24 juillet, après une traversée de 42 jours exactement : les six semaines fixées par l’acte de 1714. On retraversa 1’Atlantique en sens inverse, entre le 4 et le 26 août, jour où on mouilla à Salé, sur la côte du Maroc. La relâche de Salé fut peu fructueuse ; il fut impossible de s’installer à terre, l’autorisation nécessaire n’ayant pas été obtenue à temps. On repartit le 10, pour arriver le 13 à Cadix. La frégate y rencontra la flotte destinée à la Vera-Cruz, sur laquelle Chappe devait s’embarquer pour aller observer en Californie, le passage de 1769 de Venus sur le Soleil. Enfin 1a dernière traversée se fit de là à Brest, du 14 au 31 octobre.

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  • On profita du voyage pour faire quelques expériences qui n’avaient pas trait à son objet principal.

La plus importante consista à essayer une cucurbite de Poissonnier destinée à « dessaler » l’eau de mer. Bougainville, qui faisait son voyage autour du monde, en avait aussi une. On se procurait 6/7 barriques d’eau douce, avec une de charbon. Cassini dit qu’il se trouva bien de n’avoir fait usage que d’eau distillée, jusqu’à Cadix ou le charbon pour en faire manqua. On essaya aussi des tablettes propres faire du bouillon aux malades.

Enfin on fit beaucoup d’observations sur les pays visités, notamment sur les pratiques des pécheurs de morue sur le Grand-Banc. Au premier coup de sonde, où on trouva le fond en y arrivant, une ligne. jetée à l’eau par un matelot, ramena une morue en même temps qu’on remontait le plomb de sonde.

Les notes prises à Salé sur les meurs des Musulmans, sont du même ordre que celles de Courtanvaux sur le chien-ours.

  • Le Roy accompagnait encore ses montres à Saint-Pierre et à Cadix on les transporta à terre.
    Dans cette dernière station, les commissaires les installèrent à l’observatoire de la marine dont Godin avait fait les plans après ses longues aventures dans l’Amérique du Sud.
    A bord on les avait placées auprès de la Chambre du Conseil (aujourd’hui le salon du commandant) sur une table enfermée dans une armoire ou cabinet dont la porte avait deux serrures. Tronjoly et Cassini en avaient les clefs. Au départ du Havre, elles avaient été mises sur l’heure temps moyen du lieu. Les seules observations qui furent faites à terre consistèrent à prendre des hauteurs correspondantes. Sous ce rapport, Cassini travailla moins que Pingré ct Messier. Mais tous les jours les montres furent comparées l’une à l’autre, ce qui était une excellente méthode d’examen. Enfin, tous les jours également, la longitude à la mer était calculée par les montres. Ce voyage ressemble ainsi exactement à ce qui se fait de nos jours. Pour les observations sur le pont, on se servait d’une montre de poche qui était comparée aux horloges et servait de compteur.
  • On saisira les changements de la marche des montres sur la figure ci-jointe, mais on doit remarquer que les marches ayant été déterminés à des époques très espacées, les lignes droites du diagramme ne doivent représenter que très grossièrement l’allure des marches réelles. Les comparaisons journalières montrèrent tout de suite que l’une des montres au moins se dérangeait. Le Roy en attribua la cause à l’humidité des brumes de l’Océan et l’explication en est peut-être juste, car nous savons aujourd’hui que le régime des montres n’est pas le même à bord qu’à terre et que l’humidité en est souvent une cause principale.
    • Le Roy crut entendre un frottement dans la montre S. Il demanda à l’ouvrir, l’examina en présence des commissaires, ne la toucha qu’avec ses doigts, n’y découvrit rien d’anormal et la remit finalement dans le même état, par rapport à A, qu’avant la visite. Toujours est-il que la longitude de Saint-Pierre fut trouvée égale à 58°30’,5 par la montre A ; à 59°23’,5 par S. Or cette longitude est de 58°30’51". De Saint-Pierre à Salé, S varia en sens contraire de l’anomalie qu’elle avait eue dans la première traversée, de sorte qu’il y eut compensations d’erreurs à Salé.
  • A Cadix, on constata de fortes inégalités ; la marche de A surtout subit un saut considérable. Mais les sauts de la marche sont encore la principale erreur à redouter dans les chronomètres. Ces sauts furent peut-être en relation avec de forts vents d’est, chauds et secs, qui furent éprouves à ce moment.
    Peut-être y eu-t-il des poussières qui s’introduisirent alors dans la montre. Peu à peu, ensuite, elle se rapprocha de son ancien état.
    Les résultats généraux se résument aisément. A Cadix, l’erreur à l’atterrissage, en 109 jours, était, sans tenir compte de la relâche de Saint-Pierre, de 56’ par la montre A ; de 1°45’ par la montre S. En 161 jours, du Havre Brest, on aurait commis, si on n’avait vérifié les montres nulle part (mais cela n’arrive pas en pratique), par A une erreur de 2°44’ et par S une erreur de l°23’. Enfin, de Cadix à Brest, en 40 jours, en prenant pour marches les moyennes des marches si variables de Cadix, les erreurs auraient été de 4’ par A et de 18’ par S.

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L’Académie jugea ces résultats assez bons pour lui permettre de délivrer à Le Roy le prix double de 1769.
Dans le jugement porté sur ses machines, il faut toutefois relever la phrase suivante : «  l’auteur a paru mériter la récompense dont le but principal est de l’encourager à de nouvelles recherches : car on ne doit pas dissimuler que la montre n’a pas encore le degré de perfection qu’on peut y désirer ». Le souvenir de la précision obtenue par Harrison à dû contribuer à cette restriction. Enfin l’Académie, qui savait par ailleurs que d’autres artistes travaillaient, remettait la même question au concours en proposant encore un prix double pour 1773.

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Troisième épreuve, observations et conclusions

  • L’Enjouée faisait route sur Brest au moment même où Berthoud, croyant avoir atteint la précision désirable, livrait les montres 6 et 8 commandées en 1766. Praslin, alors ministre, avait obtenu du roi les ordres nécessaires pour faire vérifier ces instruments. Il avait choisi Fleurieu comme commandant de l’expédition décidée dans ce but. Il était entendu du reste que Berthoud, qui construisait sur commande, ne concourait pas pour le prix de l’Académie, car il ne voulait pas se partager entre cette société et le roi et il tenait à être uniquement occupé au travail de ses machines pour le Gouvernement. Au moins c’étaient là les raisons que Fleurieu donnait de son abstention, car Berthoud y ajouta plus tard d’autres motifs. Il raconta qu’à la veille du jour où le concours de 1767 devait être fermé, des membres de l’Académie le pressèrent de concourir contre ses intentions, mais qu’ayant divulgué ses procédés en 1763, dans son Essai, il ne croyait pas devoir entrer en lice avec des artistes qui pouvaient l’avoir copié.

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  • Fleurieu, alors enseigne de vaisseau, avait devant lui une haute destinée scientifique et maritime. Il fut membre de l’Académie de Marine et de l’Académie des Sciences, directeur des ports et arsenaux pendant la guerre américaine, ministre et homme politique. Plein d’enthousiasme et poussant beaucoup ses camarades à s’instruire comme lui, il représentait un cas typique de l’officier savant. Par goût naturel, il avait travaillé l’horlogerie marine, préoccupé, comme tant d’autres, de la question des longitudes ; et, au cours de cette sorte de recherches, il s’était lie avec F. Berthoud. Aussi prit-il vigoureusement parti pour lui. Par exemple, il ne cite jamais Le Roy dans les relations du voyage de l’lsis, parues en 1773, mais il y dit par contre « que les droits de priorité de Berthoud sont hors d’atteinte et que le titre d’inventeur ne peut lui être contesté ».

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Pingré est encore du voyage. Cette fois l’entreprise fut tres sérieuse. Elle dura un an. Chez Courtanvaux et Cassini, le côté tourisme tient une grande place dans le récit du voyage.L’ouvrage de Fleurieu, au contraire, est tout entier technique. On ne se distrait plus, on travaille uniquement. L’lsis, de 20 canons, c’est-à-dire de 35 mètres de long, 9 mètres de large et 4m,50 de tirant d’eau environ, arme à Rochefort. L’itinéraire de la campagne est tres étudie. Comme ils ne devaient pas faire beaucoup d’observations astronomiques pour fixer des positions géographiques, ils eurent l’idée d’éliminer les erreurs provenant des longitudes défectueuses en passant deux fois en un même lieu. Entre les deux relâches, en effet, la différence en longitude est alors rigoureusement nulle, et, par suite, la valeur des montres peut être exactement mesurée. C’est pour cette raison qu’ils sont passes deux fois à Ténériffe, à Cadix et à l’ile d’Aix.

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Berthoud emballe ses montres le 13 octobre 1768 pour les transporter Rochefort. Le 3 novembre, il les remet Fleurieu et Pingré. Elles sont chacune dans une caisse dont Fleurieu a une clef et Pingré l’autre. Du 4 au 21 novembre, on les compare entre elles à l’observatoire. Mais pendant le transport à cet observatoire, leur marche relative a varie de 7s. Ces montres étaient, en effet, tres sensibles aux déplacements, à cause de la nature du moteur : poids lourd susceptible de varier beaucoup son action, en particulier au moindre choc.

Aussi, une fois installées à bord, on n’y toucha plus jusqu’au retour, ce qui était nouveau. Elles furent enfermées dans la chambre du conseil avec les précautions ordinaires. Il fallait trois clefs pour pouvoir les atteindre : l’une à Pingré, l’autre à Fleurieu, la troisième à l’officier de quart. Les procès-verbaux relatifs à leur traitement sont interminables. Le n° 6 s’arrêta entre l’observatoire et le bord : nouvelle preuve de leur sensibilité aux transports. Elle fut simplement remise à l’heure sur le n° 8.

On arriva à l’ile d’Aix le 10 décembre ; mais on ne put quitter définitivement cette relâche que le 12 février, après deux fausses sorties qui ne réussirent pas, à cause des vents contraires. On demeura à Cadix, « entrepôt du commerce des Indes occidentales », du 24 février au 15 mars. Là il arriva un nouvel accident au no 6. Fleurieu et Pingre étaient allés à terre pour observer ; le mauvais temps se leva, et, malgré tous ses efforts, Fleurieu ne put regagner la corvette. Les montres devaient être remontées à midi. Or il avait sur lui la clef de sa chambre dans laquelle il avait laissé les clefs des montres dont il avait la garde. Pingré, au contraire, avait eu la précaution de remettre les siennes à l’aumônier. Les officiers, après avoir hésité, enfoncèrent donc la porte de la chambre de Fleurieu ; mais, quand ils prirent cette décision, il était trop tard, la n° 6 était arrêtée. On la remit sur l’heure que lui assignaient les dernières comparaisons avec le 8.

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De Cadix, du 15 au 19 mars, ils allèrent à Ténériffe. A l’arrivée, l’erreur en longitude de l’estime était de 45’. La relâche suivante fut l’ile de Gorée, dans la rade de Dakar, où on demeura cinq jours, du 4 au 9 avril, et d’où on se rendit à La Praya. L’lsis resta du 12 au 18 dans cette baie très ouverte, où la mer ne permit pas de faire des observations à terre. Alors eut lieu une première traversée de 1’Atlantique. Elle fut rapide, puisque l’lsis arriva à Saint-Pierre de la Martinique le 4 mai, après seize jours seulement de mer, ayant parcouru une fois 200 milles en 24 heures ; soit en moyenne, ce jour-là, 8,3 milles à l’heure. L’atterrissage par les montres fut très bon, tandis que l’estime était en erreur de 30 lieues, c’est-a-dire de plus de 1°5.

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Le séjour aux Antilles.fut de longue durée. Ils visitèrent Fort-Royal (Fort-de-France) et Cap François de Saint-Domingue, d’où ils partirent, le 16 juin, pour le Grand-Bane et les Açores. Ce n’est que le 23 juillet, après trente-sept jours de mer, qu’ils mouillèrent à Angra, à l’ile de Terceire ; mais là, comme à Santiago du Cap Vert, ils ne purent descendre à terre. Du 1er au 15 août, ils retournèrent à Sainte-Croix de Ténériffe ; de là, entre le 24 aout et le 15 septembre, à Cadix, qu’ils quittèrent enfin le 13 octobre pour rentrer à l’ile d’Aix le 31. Comme dernière épreuve, le 13 novembre, à l’ile d’Aix, on fit cinq décharges de toute l’artillerie de la corvette en faisant jouer les deux bords ensemble. 43 serrures voisines des horloges, dont une de l’armoire même qui les contenait, furent arrachées. Il ne parait pas que les marches fussent affectées.

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En fait d’instruments astronomiques, ils n’avaient pas de lunette méridienne, mais ils emportèrent des quarts de cercle avec lesquels ils observèrent des hauteurs correspondantes à terre. A La Praya et à Angra, ils firent les observations du bord à l’octant et trouvèrent quand même de bons résultats. Ils se servirent en général des longitudes déterminées antérieurement à eux. Toutefois, au Cap François ils déterminèrent la longitude par des hauteurs de la Lune et par le passage de Venus ; et, dans le même bût, à Sainte-Croix, le 16 août, ils profitèrent d’une émersion du premier satellite de Jupiter. On comparait les montres restées à bord à la pendule astronomique installée à terre au moyen de signaux faits à l’observatoire avec des amorces de poudre.

Le Roy, même dans le voyage de Cassini, n’avait pas jugé nécessaire de dresser une table des variations de la marche de ses montres en fonction de la température. Berthoud avait, au contraire, délivré une telle table aux commissaires de l’Isis. Ses montres étaient réglées à 15° et voici d’ailleurs un extrait des tables en question.


On voit, d’après cette table, que la marche du 6 ne variait pas dans le même sens des deux côtés de la température de réglage. Les courbes des marches tracées ci-dessous ont été établies en tenant compte de cette table. Les variations figurées représentent donc des anomalies ou accélérations réelles, dues au temps ou à des défauts de construction. Borda fut chargé d’examiner les comptes rendus de Fleurieu et de Pingré. Il les lut très attentivement. Son rapport, lu à l’Académie le 21 février 1770, est un modèle de précision et de logique. Le sentiment n’y a aucune part.

Il fait remarquer que la marche de l’ile d’Aix est suspecte, puisque l’Isis a été à la mer pendant sa détermination. « On a donc supposé, dit-il, que la marche est restée la même à mer qu’à terre, mais c’est justement ce qui est en question.  » De Cadix à Ténériffe, en quatre jours, 6 donne 8’ d’erreur. A La Praya, les longitudes des montres différent de 20’. Il combine les déterminations des longitudes de toutes les manières possibles. Par exemple, de Cadix à Saint-Pierre, en prenant, de Cadix à La Praya, la moyenne entre les marches entre les deux stations, puis la marche de La Praya pour le reste de la traversée, il trouve que 8 ne donne pas d’carreur, que 6 en donne une de 31’, après 64 jours, dont une relâche. Joignons à ces quelques nombres les résultats suivants donnés par Fleurieu. Ils nous font connaitre des erreurs à l’atterrissage. Cette erreur à l’aller, à Cadix, avec la marche de Rochefort, était de 20’ par le 8 en 87 jours ; au retour, à Cadix, et rapportée à Sainte-Croix, elle était de 50’ par le 6 en 44 jours. D’un lieu au même lieu, il trouve, en supposant inconnues les longitudes des lieux intermédiaires et en employant, par exemple, de Sainte-Croix à La Praya la marche de Sainte-Croix, de La Praya à Gorée la marche de La Praya, etc.

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Enfin voici les conclusions de Borda :

  • 6 a eu une grande précision pendant les six premiers mois, du 7 décembre au 10 juin ;
    mais d’août à octobre, il est probable qu’elle n’aurait donné la longitude qu’à l° près en 45 jours. Sa marche, en effet, a passé rapidement en juin et juillet de 6 à 13 secondes, et elle restée dérangée.
  • Quant à la 8, elle à donné les longitudes de Ténériffe, de Gorée, du Fort Saint-Pierre et du Cap François exactement, mais ensuite elle s’est un peu dérangée et elle aurait donné la longitude tout au plus à 30’ en 45 jours.
    Elle est redevenue excellente après le second passage à Ténériffe.
    Les montres n’ont pas donné en somme moins de 30’ d’erreur après 45 jours, dans toute la durée du voyage, mais 8 en à été très près. Et il pense, en fin de compte, « que les horloges de Berthoud peuvent être très utiles à la mer  » et « que le voyage de l’lsis en fournit des preuves multipliées ».

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Berthoud examina ses montres quand elles lui furent rendues. Les arcs décrits par le balancier du 6 avaient passé de 130 à 115° ; son spiral n’était pas isochrone et il le changea. Le nouveau eut 12 pouces (32 cm.) de long et une ligne 7/12 (3mm,6) de large. Les arcs du 8 n’étaient plus que de 210° au lieu de 240°. Le vieillissement des huiles en était cause et son spiral non plus n’était pas isochrone. Berthoud conclut de son examen qu’il fallait rechercher un échappement qui n’exige pas d’huile.

  • Fleurieu, allant plus loin que Borda, s’extasiait sur les mécanismes que l’artiste lui avait révélés. « Que de richesse étalées à mes yeux », écrivait-il en 1773. Et il ajoutait que le mérite de Berthoud « était au-dessus de tout éloge comme au-dessus de l’envie  ». Ce mérite de Berthoud était très réel, cela est évident, mais Fleurieu manquait de la juste mesure de Borda, et il visait Le Roy avec partialité.

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Toujours est-il qu’après la campagne, Louis XV accorda à Berthoud des brevets, des appointements annuels de 3.000 livres et le privilège exclusif de la fourniture à ses vaisseaux. Il fut fait aussi inspecteur des horloges marines.

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Quatrième épreuve, observations et conclusions

Les résultats des trois voyages précédents laissaient à désirer et Praslin se décida à poursuivre les épreuves. Il désirait de plus, apprécier le mérite réciproque des machines de Berthoud et de Le Roy.

  • La Flore, de 32 canons, fut armée à cet effet à Brest dans les premiers jours d’octobre 1771. Le commandement en était confié à Verdun de la Crène, lieutenant de vaisseau et de l’Académie de Marine. Il était assisté de Borda et de Pingré, de l’Académie de Marine et de l’Académie des Sciences et de l’astronome Mersais, un des trés nombreux élèves de Lalande. Ozanne le cadet était aussi du voyage.
    • Le n° 6, confié à Rochon, avait été embarqué sur le Berryer, bâtiment qui était parti à destination des terres australes.
    • Ils devaient donc emporter les montres A et S de Le Roy, toujours les mêmes, et la montre 8 de Berthoud.
    • Ils avaient aussi une troisième petite montre de Le Roy, désignée sous le nom de « petite ronde », mais elle ne concourait pas pour le prix de 1773
    • Et deux autres montres, une de d’Arsandeaux ct une de Biesta, tous deux horlogers de Paris.

Le 5 octobre, les montres, sauf celle de Biesta, qui était arrivée avariée à Brest, sont embarquées et placées entre la Grand’Chambre (aujourd’hui le carré) et le mât d’artimon, à l’intérieur d’une armoire fermée par deux portes de sorte qu’il y avait trois serrures à ouvrir pour arriver une montre. Le 29 on met à la voile.

Le 12 novembre, on s’aperçoit, en prenant les comparaisons journalières, que la montre A a retardé d’une minute exactement. Mais Le Roy fit remarquer plus tard qu’on avait fait le remontage précédent à l’heure. où l’aiguille des minutes passait sur le trou de la clef ; et il proposa d’expliquer le retard constaté par un recul accidentel produit pendant le remontage. Les commissaires admirent qu’effectivement cela pouvait avoir eu lieu.

Du 19 novembre au 12 décembre, on séjourna à Cadix ;
du 18 au 21, à Funchal de Madère, puis, le 25 décembre, la Flore arriva à Sainte-Croix de Ténériffe. De là, ils firent l’ascension du pic. Ils remarquèrent entre autres «  qu’au sommet les liqueurs perdaient toutes leurs forces », de sorte que y boire de l’eau-de-vie raffinée ou de l’eau pure, cela est égal ». Nous pensons plutôt que l’eau-de-vie raffinée avait été du goût de leurs guides et que ces derniers l’avaient remplacée par de l’eau. Ils fixèrent géodésiquement la hauteur du pic à 1.742 toises (3.397 m.) (Il en a 3.712, mais quelques-uns lui attribuaient plus de 5.000 m.).
Du 4 au 15 janvier, ils vont de Ténériffe à Gorée, ou la «  petite ronde » s’arrête.
Le 25 janvier, départ de Gorée.
Le 28, la n° 8 s’était arrêtée. On la remit en mouvement, elle s’arrêta encore ; on recommença et elle ne s’arrêta plus. On supposa qu’elle n’avait pas été remontée la veille. Il parut qu’on avait dû faire faire deux tours et demi à la clef pour bander le ressort, alors qu’à l’ordinaire deux tours suffisaient, fait qui sembla confirmer l’explication supposée de l’arrêt.
La frégate s’arrêta à La Praya du 30 janvier au 3 février, puis elle continua à suivre l’itinéraire de l’Isis, en faisant route pour la Martinique. Pendant cette traversée, la Flore alla encore plus vite que celle-là, puisqu’ils arrivèrent à Fort-Royal le 16, ayant fait 720 lieues en dix jours, ce qui correspond à une vitesse moyenne de 9 milles à l’heure. Ils visiterent plusieurs points des Antilles, jusqu’au 5 mai, jour ou ils en partirent pour Saint Pierre et Miquelon.

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Mais le 5 mars, il leur était arrive un accident qui eut des conséquences tres regrettables. La frégate, ce jour-là, en louvoyant devant le port de la petite ile d’Antigue, au nord de la Guadeloupe, toucha sur la roche Willington (aujourd’hui Warrington) qui est à l’entrée de la rade ; elle y resta échouée trois quarts d’heure. Les plongeurs trouvèrent que la quille avait été en partie défoncée, et on décida de revenir à Fort-Royal pour abattre en carène et faire les réparations nécessaires. Berthoud s’était opposé au débarquement de ses montres ; on les conserva donc toutes à bord pour ces opérations, en suspendant les boites à une filière. L’abattage se fit le 17 mars. Tout réussissait ; malheureusement, un des caissons de la Grand’Chambre, contenant des bouteilles de vin, mal cloué, se détacha. Il tomba sur la montre A et le coup porta aussi en partie sur S. A devint très irrégulière et inutilisable. S fut moins affectée. Le 26, un nouvel accident eut lieu pendant l’abattage sur tribord, L’estrope du câble du grand mât se rompit et la frégate oscilla violemment. Après ce nouveau contre-temps, S subit, pendant deux mois, des accélérations progressives. Le 28 mai, on était à Saint-Pierre, le 1er juillet à Patrixfjord. La dernière relâche hors de France fut celle de Copenhague, fin août, d’ou on rentra à Brest. Avant de désarmer, on fit trois décharges de toute l’artillerie. Elles brisèrent le fil de clavecin de S. Le 8 n’en éprouva qu’un saut de 1seconde, «  irrégularité bien légère, qui n’a pas du être causée par la décharge  », dit le journal. Mais pourquoi pas ? La décharge eût-elle surement brisé le fil de clavecin sans la chute du caisson ?

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On travailla beaucoup pendant ce voyage où on devait essayer tous les moyens proposés pour la longitude. La Commission avait emporté trois quarts de cercle, des octants et sextants anglais destinés à l’observation des distances lunaires et deux pendules astronomiques. Pour prendre les comparaisons avec les pendules installées à terre dans chaque relâche, on hissait un pavillon l’observatoire. A bord, on répondait ce signal par un coup de pistolet, avertissement auquel on comptait à la fois à la pendule et au no 8. Un canonnier, bien en vue des deux postes, tirait alors un nouveau coup de pistolet pour donner le top. L’opération était répétée cinq fois.

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Voici qui donnera une idée de ce qu’on faisait à la mer. Le 15 mai 1772, à 5 heures du soir, on mesura cinq hauteurs de Soleil pour calculer l’heure locale. A 9 heures, on prit des distances lunaires : de la Lune à Régulus au sextant, et de la Lune à α du Verseau au mégamétre de Charnières, dont nous parlerons plus loin. Plus tard enfin, dans la nuit, on observa une immersion du premier satellite de Jupiter.


Donnons maintenant les résultats obtenus dans l’examen des montres. La montre de Biesta, réparée à Brest, ne marcha jamais bien et se brisa bientôt. Celle de d’Arsandeaux fut très irrégulière. Elle était très ingénieusement suspendue. Berthoud et Le Roy avaient tous deux remis des tables de correction des marches pour la température. Les montres étaient très bien compensées, ainsi que le montre le tableau ci-dessous des corrections pour la température. Ces corrections expriment des avances diurnes :

On tint toujours compte de ces petites corrections. Les conclusions des commissaires furent les suivantes. Un des thermomètres de la montre A avait été casse par la chute du caisson, ainsi qu’on s’en aperçut à l’arrivée quand Le Roy ouvrit la montre. Jusqu’à l’accident, la somme de ses accélérations en six semaines ne dépassait pas 2m40s. Elle pouvait donc donner la longitude à mieux que 45’ prés dans cet intervalle de temps. La montre S s’est soutenue dans un mouvement sensiblement égal du 6 octobre 1771 à l’accident du 17 mars 1772 et de la fin de mai au 17 octobre 1772. La marche fut voisine, dans la première période, de 1s,5 ; dans la deuxième de 8s. Du Cap François à Patrixfjord, avec la moyenne des marches au Cap et à Saint-Pierre, jusqu’a Saint-Pierre, puis avec la marche de Saint-Pierre, elle aurait donné une erreur de 45’ en 42 jours, Le Roy en rejeta la cause sur l’accident qui aurait produit, selon lui, deux dérangements :

l’un retardant, l’autre accélérant son mouvement. Le premier, d’abord prépondérant, devait s’atténuer. L’autre, tel qu’un déplacement de masse du balancier, par exemple, était sans remède. On admit « qu’il n’y avait rien que de très probable dans cette explication ». Donc, ajouta-t-on, « dans tout le cours de la campagne, elle a dû donner la longitude beaucoup mieux que dans la précision de 30’ en six semaines ; exceptionnellement, en une seule occasion, la précision n’aurait été que de 45’, mais alors le défaut d’une plus grande précision peut être attribué à l’accident antérieur ».

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La montre n° 8 eut toujours une précision plus grande que 30’ en 42 jours, sauf dans la traversée de Patrixfjord à Copenhague, où l’erreur aurait été de 34’5 en six semaines. « Les montres S et 8 avaient donc rempli les espérances qu’on en concevait et elles méritaient la confiance des navigateurs. » Leur bonne qualité n’était pas apparente. Elle ne pouvait résulter en effet de compensations d’erreurs quotidiennes, cela était prouvé par l’examen de leurs marches relatives, qui montraient que leurs accélérations avaient été progressives. Les artistes les avaient grandement améliorées, du reste, après les premières épreuves, et A et S s’étaient mieux accordées avec 8 en 1771 et 1772 qu’ensemble dans le voyage de Cassini, et que 6 et 8 dans celui de Fleurieu. Ii suffisait, du reste, de trouver pour les irrégularités diurnes relatives des quantités plus petites que 2 à 3s. L’Académie, pour la seconde fois, accorde le double prix de 1773 à Le Roy.


Pour en finir avec ces épreuves, il faut revenir un instant sur la montre n° 3. Chappe l’emporta dans son voyage en Californie, ou il mourut après avoir observe le passage de Vénus du 3 juin 1769. Il s’était rendu à grand’peine à San-Jose par Le Havre, Cadix, la Vera-Cruz, Mexico et San-Blaz. La montre lui donna la longitude à 10 lieues prés après 75 jours de mer, à l’atterrissage sur la pointe sud de la Dominique. Il mit ensuite 37 jour à aller de là à la Vera-Cruz, et, en admettant une erreur de 15 lieues de la montre, il put en conclure que la longitude de cette ville était erronée sur les cartes de 3°.

La montre fut rendue à Berthoud le 10 décembre 1770. Le 20 mars 1771, le Ministre la lui redemanda pour Chabert qui entreprenait une campagne hydrographique en Méditerranée, et Berthoud la reçut de nouveau le 26 novembre 1771, au retour de la Mignonne, dont la campagne avait duré d’avril à octobre. Elle s’arrêta en arrivant à Toulon, l’huile s’étant desséchée. De plus, Berthoud avait fait promettre à Chabert de ne rien révéler à personne des résultats qu’il devait en obtenir ; et, comme d’autre part, Chabert, devenu aveugle en 1800 par excès de travail, ne termina jamais son Neptune de la Méditerranée, nous ne savons pas quels services le n° 3 lui rendit alors. Ils ne furent sans doute pas brillants, car Berthoud les aurait fait connaitre, et il ne le fit pas. Il dit, par contre, que son spiral n’était pas isochrone et que son échappement était défectueux. Il y avait apporté plusieurs changements, y remplaçant le premier par un échappement libre, après quoi il revint au premier. Il avait aussi
remplacé la grille de compensation par une simple lame en arc fixée à ses extrémités et s’appuyant par son milieu sur le spiral, plus ou moins gêné alors suivant la température.

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La paternité des découvertes et la polémique Berthoud/Le Roy

Tels étaient les résultats officiels obtenus par Le Roy et Berthoud lorsque ce dernier fit paraitre, en 1773, son “Traité des Horloges marines”. Il n’y disait pas un mot de Le Roy et s’attribuait purement et simplement tout ce qui avait été fait en France depuis Sully, pour la longitude à la mer par les montres. Le Roy fut révolté parce que Berthoud « essayait de lui enlever le peu de réputation que ses inventions lui avaient acquis » et il s’éleva alors entre les deux artistes une querelle de priorité dans laquelle Berthoud attaquait tandis que Le Roy se défendait. Les contemporains en général ne paraissent pas avoir attaché beaucoup d’importance à cette polémique. Fleurieu fut un extrême du parti de Berthoud pour lequel il plaida à 1’Académie de Marine ; mais les commissaires du voyage de Verdun dirent simplement, en 1778, «  qu’il ne leur appartenait point de décider le procès qui s’était élevé entre les deux célèbres artistes, au sujet de l’antériorité de leurs travaux et de leurs découvertes » ; que « ce procès était porté au jugement du public ».
Le Roy répondit au Traité par un Précis des recherches faites en France, depuis 1730, pour la détermination des Longitudes, par la mesure artificielle du temps, paru à Amsterdam en 1773 ; et l’abbé de la Chapelle, censeur de cet ouvrage, l’approuva en disant que, « si les hauts talents de monsieur Le Roy l’ainé l’ont mis sur la première ligne des artistes célèbres qui ont perfectionné la théorie et la pratique de l’horlogerie, la modération avec laquelle il défendait et justifiait ses droits ne faisait pas moins d’honneur à son caractère  ». La même année Berthoud riposta par des Eclaircissements sur les Machines à Longitudes, écrit après lequel Le Roy fit imprimer, à Leyde, en 1774, une suite à son Précis, etc.

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Berthoud faisait grand état d’un mémoire qu’il avait présenté à 1’Académie en 1754, un mois avant un mémoire analogue de Le Roy. Il prétendait que le sien contenait tous les principes d’une horlogerie parfaite. Malheureusement, nous ne savons rien de certain sur cet écrit, car Camus et Bouguer, chargés de l’examiner, moururent sans laisser de rapport. Mais Berthoud déposa, en 1760, un second mémoire dans le même esprit. Or celui-ci contenait les principes de sa montre n° 1 qui ne fut jamais qu’un instrument grossier et inutilisable. On peut la voir, à côté des 6 et 8 et d’autres, qu’elle écrase de sa masse, au Conservatoire des Arts et Métiers. Elle comprend deux balanciers monométalliques continus, horizontaux et solidaires l’un de l’autre par le moyen d’arcs dentée montés sur leurs axes. Ces balanciers, guidés par des rouleaux, ont un pied (31 cm.) de diamètre ; ils pèsent plus de 3 livres et ils sont suspendus à un ressort plat de un pouce (27 mm.) seulement de long et de 2 lignes (4mm,5) de large ; chaque balancier a un spiral de 22 pouces (66 cm.) de long, 7 lignes 9/22 (17 mm.) de large et 2 millimètres environ d’épaisseur. Les arcs décrits n’étant que de 20° et chaque vibration durant 1s, il en résulte que leur vitesse est trés faible. Elle est munie d’un échappement à repos sur le régulateur ; le moteur est constitué par un ressort et la compensation est obtenue par le spiral. Le tout enfin est suspendu à la base d’une pyramide réduite à ses quatre arêtes, reliée par un ressort à boudin à un axe terminé par une rotule ajustée à une cardan. Cette horloge, exécutée en 1761, ne fut jamais livrée par Berthoud à des essais officiels, ce en quoi il fit bien.

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Il est vrai que si on l’en croit, le mémoire de 1754 de Le Roy ne contenait pas grand’chose non plus. D’après Berthoud, en effet, Le Roy y proposait d’utiliser comme régulateur seulement le ressort de suspension du balancier, sans spiral ; de donner au balancier la forme d’une lentille renflée au centre ; d’y adapter un échappement à roue de rencontre, ce que dément Le Roy ; enfin de dresser une table pour les variations des marches dues à celles de la température, sans installer de mécanisme compensateur approprié.

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Heureusement, nous avons des données plus précises. Rien ne peut prévaloir en effet contre le fait que Le Roy a remis ses montres A et S en 1766, tandis que ce n’est qu’en 1768 que Berthoud a pu livrer les siennes ; et nous avons vu qu’il fallait écarter les épreuves du n° 3 en 1764 ; ou alors il faut attribuer la priorité absolue en France à Sully et même à Huyghens. Le Roy avait, du reste, présenté une montre en 1763.

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La question de l’isochronisme du spiral fut une des plus discutées ; mais là, encore, il est certain que Le Roy à divulgué sa règle, si nette, des 1766, tandis que ce n’est que dix-huit mois plus tard que Berthoud déclara avoir trouve la sienne. D’ailleurs, en 1802, dans son Histoire de la mesure du temps par les Horloges, il parait rendre justice à Le Roy en avouant que ce dernier a effectivement présenté, le 5 août 1766, sa découverte de l’isochronisme du spiral, comme un fait. Seulement, pour marquer ce qu’il veut s’attribuer dans cette question, il ajoute que c’est lui, par contre, qui a démontré théoriquement la règle de l’isochronisme et en a fait un principe, et il en conclut que la découverte de l’isochronisme doit être attribuée « uniquement » à lui. Mais cela ne nous parait pas du tout évident, parce que, d’abord, sa prétendue démonstration, bien qu’admirée par Bernouilli, annonce-t-il, n’en est pas une, et ensuite en raison de ce que la règle de Le Roy n’est pas celle de Berthoud ; seulement la première est indubitablement préférable à la seconde et c’est celle qui a été suivie.


Nous avons vu que les horloges 6 et 8 étaient construites sur des principes opposes à ceux des montres A et S. Mais, suivons l’évolution des mécanismes de Berthoud ; nous le verrons s’acheminer peu à peu vers les principes de Le Roy. En février 1769, il commence son horloge n° 9, et il lui adapte un échappement libre. C’est celui qui est représenté ci-dessus. R et R’ (fig. 37) sont des ressorts de rappel. B et B’ des butées. E est la roue d’échappement, bb le balancier. Ce système lui donne toute satisfaction, dit-il, et il considère cette partie comme absolument décidée. Il le simplifie cependant, lui donnant l’aspect figuré p. 182 pour l’installer sur la montre n° 3 (fig. 38) lorsque Chabert la lui rend.

Quelque temps après, Il le trouve trop délicat et compliqué et il l’abandonne pour le cylindre, auquel l’huile n’est d’ailleurs pas nécessaire. Finalement, dans ses derniers ouvrages, il revint aux échappements libres d’une manière définitive. Ainsi, sur cette partie si importante, il adoptait les idées de Le Roy, mais prés d’un demi-siècle après, puisque le premier échappement libre de Le Roy remonte à 1748. Il fit de même quant à la compensation de la température.
En 1787, il construisit le balancier dessiné schématiquement ci-contre (fig. 39) (c’était encore une idée de Le Roy), moyen perfectionné qu’il utilise pour sa petite horloge à longitude no 63, de 52 millimètres de diamètre, 35 millimètres de hauteur (13 centimètres avec le contre-poids situe au dessous au bout de sa tige de suspension). Le balancier y porte deux bi-lames acier-cuivre, munies à leurs extrémités de poids montes sur des vis. Elles sont symétriques par rapport au centre et forment des demi-cordes de la circonférence du balancier.

De 1789 à 1806, enfin, il construisit un certain nombre de montres, dont il n’a d’ailleurs cédé aucune, les réservant pour son instruction particulière.


Or, sa petite horloge 37, faite spécialement pour les longitudes à la mer, à un balancier (fig. 40) formé d’une roue continue portant trois bi-lames telles que bb’ libres à une extrémité b’ et lestées en ce point d’un poids P. R est une masse régulatrice. Mais la compensation est complétée par une bi-lame portant un pince-spiral et agissant sur celui-ci. Cette montre, exécutée après 1803, prouve que Berthoud en arrivait à la compensation totale par le balancier.
Enfin, en 1806, il fabriqua une montre astronomique de poche, propre à la navigation, dans laquelle le balancier porte la compensation « absolue » de la température par quatre masses dont les lames composées sont en arc de cercle. L’évolution était complète. Il va sans dire que les moteurs de tous ces derniers ouvrages sont des ressorts. Il avait écrit du reste, en 1802, que le balancier compensateur coupé de Le Roy dérivait d’une méthode fort bonne, adoptée en Angleterre et revenue en France.

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Ainsi il glorifiait lui-même son rival qu’il avait accablé trente ans auparavant. Il avait alors appelé simples tentatives les montres de Le Roy éprouvées dans trois voyages, et publié dans les gazettes, huit jours après le couronnement qui suivit les épreuves, que lui, Berthoud, était le premier de son temps à s’être occupé de montres. Il disait à Le Roy qu’on ne lui avait jamais demandé d’instruments pour les vaisseaux du roi ; or, Berthoud avait le privilège de leur fourniture, à l’exclusion de tout autre. Cependant la marine russe s’était adressée à Le Roy et le prince de Croï avait essayé de faire embarquer une de ses machines dans la deuxième expédition de Kerguelen. Enfin il essaya d’interpréter défavorablement les résultats énoncés par Cassini et Verdun. Le Roy lui répondit plus justement « qu’il suffisait qu’il adoptât une théorie ou une invention pour qu’il la crût aussitôt la sienne » (il est vrai que cela peut, psychologiquement, être sincère), et il ajoutait que sa montre était si simple, qu’un mécanicien de Londres, non horloger, l’avait du premier coup parfaitement reproduite, tandis que celles de Berthoud n’avaient tenté personne . [3]

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Le Roy avait plus de génie ; Berthoud une plus grande puissance de travail. Le premier était vraiment un inventeur ; le second savait surtout utiliser et combiner les mécanismes imaginés par d’autres. Mais il y loin de là à la triple découverte de l’isochronisme du spiral, de l’échappement libre et du balancier compensateur, découvertes qui, selon Saunier, font de Le Roy le plus illustre «  des horlogers qui ont honoré ou enrichi la France » et qui permettent d’affirmer aussi « que l’œuvre d’aucun des horlogers étrangers n’a surpassé la sienne ».

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Après sa querelle, avec Berthoud, Le Roy quitta la scène et ne fit plus rien. A sa mort, arrivée en 1785, ses machines restèrent entre les mains de sa famille ; et Berthoud, en 1802, regrettait qu’elles n’aient pas été placées dans un dépôt national, afin qu’elles ne soient pas perdues pour l’art. Cela lui fait pardonner ses injustices.

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[1] C’est-à-dire alors de l’avance ou du retard diurne de la montre

[2] Tous les graphiques de marches sont réduits aux 4/5 par rapport aux échelles indiquées.

[3] Il faut toutefois attribuer à Berthoud l’idée de remplacer le pivot de la détente pivotée par le ressort de la détente-ressort. Berthoud faisait porter le ressort de dégagement par le balancier. Louis Berthoud et Arnold le fixèrent i la détente-ressort même. Bréguet fixa l’arrêt à l’extrémité d’un pont de détente, monté avec celle-ci. Cet arrêt était une came, qui fut enfin remplacée après lui par la tête d’une vis.

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  • 28 novembre 2014 07:15, par yoruk écrire     UP Animateur

    Le goût d’entreprendre

    Merci à YvesD d’avoir mis du pain sur la planche en ressortant pour nous cette histoire de la navigation de F.Marguet… Ayant eu la chance de l’aider à sa mise en page sur PTP, je peux témoigner d’une divine surprise : les francophones ne sont pas toujours restés les deux pieds dans le même sabot.
    Ce chapitre 6.3 traitant des épreuves, montre un souffle, et une volonté d’entreprendre qui nous font peut-être défaut aujourd’hui. Quoique l’épopée d’Ariane-Espace montre aussi, que nous sommes capables de dépasser notre cadre hexagonal. Dans un autre domaine plus proche, on voit aussi beaucoup de francophones, et de plus en plus, sur l’eau aux quatre coins du monde.
    Ce chapitre montre la belle vitalité de notre société maritime en fin du 18ème siècle

    • les institutionnels : le roi lui-même, l’Académie de Marine, l’Académie des sciences, les ministères, et des mécènes également amateurs éclairés. Le cas de Courtanvaux en particulier : Le marquis de Courtanvaux, capitaine-colonel des Cent-Suisses de la garde ordinaire du Corps du Roi, amateur passionne d’astronomie et membre de l’Académie des Sciences depuis 1764, offrit de se charger de tous les frais de l’expédition.
      • Voilà un terrien nanti, qui se lance dans l’aventure, se fait marin et finance une campagne dont le but sera de vérifier un instrument capable de conserver le temps en s’embarquant sur un bateau qu’il a fait construire à ses frais, à cet unique effet…
    • Les artistes (hommes de l’art)… Là on a envie de mettre un « A »majuscule à « Artistes ». Berthoud et Le Roy en tête : scientifiques émérites et mécaniciens habiles, ils s’embarqueront en prenant des risques. Naviguer à cette époque était autrement ardu qu’à la nôtre. Voir à ce sujet ce qui arriva à une montre de Berthoud, lors d’un abattage en carène : Tout réussissait ; malheureusement, un des caissons de la Grand’Chambre, contenant des bouteilles de vin, mal cloué, se détacha. Il tomba sur la montre !!!
    • Les marins… de grands capitaines : l’enseigne de vaisseau Fleurieu (qui deviendra ministre de la marine), Verdun de la Créne, de Tronjoly, Cassini, Gaud Louis de Ravenel , entre autres…
    • Les astronomes, les géographes et les ingénieurs… Borda, de Pingré, Charles Messier, etc…

    Tous passionnés, tous cultivés, tous érudits et tous au service de cette utopie : capturer le temps… Ils réussiront…

    Michel

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    • 28 novembre 2014 13:24, par yvesD écrire     UP     Ce message répond à ... Animateur

      Puisque tu rappelle ici Fleurieu, au parcours étonnant, je recommande d’aller jeter un coup d’œil dans la bibliographie de La navigation de Marion-Dufresn sur plaisance pratique et en particulier « Claret de Fleurieu, Voyage autour du monde de 1790 à 1792 du capitaine Étienne Marchand, Paris an VI et VIII. Lire son étonnante péroraison pages 574 et suivantes du tome 1 (relevée par Ségéric) »
      L’ouvrage est accessible dans les trésors du site de la BNF , aller directement à la page 574-575 (depuis http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bt...). Quel tribun !

      Parcours étonnant pour Claret de Fleurieu, qui a participé au montage de nombreuses expéditions (dont celle de La Pérouse) et à la publication d’encore plus nombreuses relations d’expéditions. Garde-marine (et aristocrate bien sur), académicien, hydrographe, explorateur, éphémère ministre de la marine en 1790, il changea ensuite son nom en Eveux de Fleurieu, et son adresse, pour réussir à sauver sa tête (très marqués, les grands marins de l’époque, surtout les gardes de marine). Article assez complet sur wikipedia.

      Du coup ça me démange de passer ce facsimilé là - aussi - en mode texte pour Plaisance Pratique, uniquement autour de la page 574 (le livre entier a peut-être été publié récemment, voir ce qu’en dit Étienne Taillemite dans l’histoire des marins français autour du monde).

      JPEG

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